Après la hype d’une convention démocrate à Chicago, aux relents fortement hagiographiques, destinée au re-branding de la Vice-présidente Kamala Harris, désormais sacrée candidate du parti démocrate, les médias s’adonnent, ce vendredi, à l’exégèse de sa première (et unique) interview donnée hier soir à la chaîne d’information CNN, en compagnie de son colistier Tim Walz. Face au maître-mot « JOY » martelé tel un mantra durant toute la convention et aux vertus politiquement antidépressives, tant il traduit un nouvel espoir depuis le retrait de Joe Biden de la course à la présidence, son opposant républicain, Donald Trump, endeuillé par le débranchement de son sparring partner grabataire, se cherche péniblement une nouvelle stratégie pour contrer la souriante ex-procureure.
Or, après l’investiture de son colistier, le sénateur J.D. Vance, et l’appui officiel du milliardaire Elon Musk (se voyant déjà à la tête d’un ironique Department Of Government Efficiency – DOGE), Donald Trump a pu récemment compter sur le soutien de Robert F. Kennedy Jr., jusque-là candidat indépendant, aujourd’hui convaincu que Trump peut (et lui seul) « sortir l’Amérique de la guerre, reconstruire la classe moyenne, éliminer les produits chimiques de l’alimentation, protéger les libertés américaines et délivrer les agences de régulation de la corruption » ponctuant son discours par« Make America Healthy Again« . En outre, pour une frange de l’électorat américain, la marque Kennedy incarne toujours une forme de Democratic Royalty – la machine symbolique tournant ici à plein régime.
Dernière recrue en date : Tulsi Gabbard, candidate malheureuse aux primaires démocrates de 2020 où celle-ci affronta (déjà) la tout aussi peu performante Kamala Harris. Pour cette vétérane déployée en Irak et qui représentait Hawaï au Congrès durant huit ans, l’administration Biden « confronte [les Américains] à de multiples guerres sur de multiples fronts et dans de nombreuses régions du monde, et place [les États-Unis] au bord de la guerre nucléaire. »
Au vu de ces ralliements passés quelque peu inaperçus dans une atmosphère de griserie côté démocrate, Trump serait en voie de se constituer une équipe d’Expendables.
D’aucuns se rappelleront le succès au box-office de la franchise hollywoodienne The Expendables : des films d’action mettant en scène des icônes du cinéma d’action des années 80 et 90, comme Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger ou Dolph Lundgren. La comparaison entre cette franchise, accumulant au total plus de 100 millions d’entrées et la dynamique actuelle côté républicain se traduisant par l’extension du ticket Trump-Vance peut paraître surprenante de prime abord. Toutefois, certains parallèles émergent rapidement entre pop-culture et imaginaire psychopolitique américain.
Nostalgie et retour aux fondamentaux
La série de films Expendables a conquis le public en exploitant la nostalgie pour un âge d’or du cinéma d’action, caractérisé par des héros, certes vieillissant, mais débordant toujours de testostérone et de force brute ; inébranlables face aux défis. Du côté du Team Trump, des soutiens tels que Musk menant une guérilla numérique (notamment contre le Commissaire européen Thierry Breton) en faveur du 1er amendement de la Constitution des États-Unis (« le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse »), RFK Jr., fustigeant les institutions de santé publique, et Gabbard, au positionnement géopolitique résolument non-aligné, symbolisent une bifurcation axiologique vers un retour aux fondamentaux et un engagement sans-concession et anti-« politiquement correct ».
L’attrait de l’anti-establishment
Dans les films Expendables, les personnages principaux, souvent en conflit avec des institutions corrompues, se posent en outsiders, incarnant une forme de justice brute (en dehors des règles cadres et officiels). La rhétorique anti-establishment constitue également le dénominateur commun de la brigade MAGA in the making. Par ailleurs, l’iconoclasme d’un Trump, figure de rupture désormais usée, bénéficie de l’inclusion de nouvelles personnalités polarisantes. Point commun entre Trump et ses nouveaux alliés, d’ores et déjà connus pour leur esprit de défiance : la posture du rebelle, contre l’élite politique et médiatique (les legacy media) – à l’image d’une équipe prête à « défier le système » et à défendre les « oubliés » contre les élites. Un discours populiste chimiquement pur évidemment susceptible de résonnerparticulièrement fort dans l’imaginaire d’une partie de l’électorat républicain, voire au-delà.
Diversité des compétences
La franchise Expendables mise sur la diversité des compétences de ses personnages ; chacun apportant son expertise unique, que ce soit en tactique, en combat ou en armement. Avec l’ajout de Musk (tech et free speech), RFK Jr. (santé publique et anti-corruption), et Gabbard (incarnation militaire et isolationnisme affirmé) au ticket Trump-Vance, la Team Trump rassemble elle aussi un groupe éclectique de personnalités aux parcours variés, susceptible d’être spinnée comme un atout : une équipe hybride pour un choc de gouvernance.
Le spectacle avant tout
Enfin, les Expendables ne font pas dans la subtilité. Leur succès repose sur l’intensité pyrotechnique, les cascades et les confrontations dramatiques. Une approche unilatéralement spectaculaire comparable à la stratégie du coup d’éclat propre à Trump, parvenant depuis 2016 à constamment hijacker le récit médiatique à coup d’annonces et de déclarations fracassantes. L’ajout d’individualités controversées tels que Musk, RFK Jr., et Gabbard ne fait qu’intensifier cette dynamique, nourrissant ce véritable blockbuster politique.
On retiendra donc qu’à l’instar des Expendables, faisant appel à la nostalgie et à l’anti-establishment, le ticket Trump élargi à ses nouveaux alliés cherche à séduire une base électorale avide de rupture – la formation d’une équipe disparate et anticonformiste contribuant au renouvellement du logiciel trumpiste et incarnant la promesse d’une coalition empreinte de radicalité.

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