De « Sleepy Joe » à « Comrade Kamala »: pourquoi Donald Trump utilise cette stratégie des surnoms 

Entretien pour L’Avenir paru le 25 octobre 2024. Propos recueillis par Thomas Renard.

Crooked Joe, Lyin’ Kamala, Tampon Tim… Dans cette campagne présidentielle américaine 2024, Donald Trump s’est imposé en maître de l’art du surnom. Utilisée comme véritable stratégie de communication, est-elle pour autant gage de succès? Décryptage.

Une méthode qui ne date pas d’hier…

Donald Trump n’est pas novice en la matière. Dès sa première campagne présidentielle en 2016, il avait fait sensation avec des sobriquets tels que Crooked Hillary (Hillary la corrompue) pour Hillary Clinton, sa rivale démocrate à la présidence, ou Low Energy Jeb (Jeb basse énergie) pour Jeb Bush, candidat malheureux à la primaire républicaine de 2016.

L’usage du surnom par le candidat républicain renforce la marque politique de Trump: « cet élément de langage se positionne dans un discours politique plus agressif, plus polarisant, avec une part de divertissement », poursuit Nicolas Baygert. « Il a du talent, car il arrive à trouver l’élément qui discrédite efcacement son adversaire ».

Pour qu’un surnom accroche, il faut qu’il soit repris par le plus grand nombre. « Tout dépend de sa viralité, qui est difcile à prédire », explique l’expert en communication politique. « Il fait de multiples tentatives pour chacun de ses adversaires et il voit dans son public si ça marche, tel un humoriste qui tente des blagues sur scène dans le but de voir si les gens s’esclaffent… ou non. Il est en recherche constante de la punchline qui fera mouche ».

Et bien évidemment, les surnoms affectifs n’ont pas leur place dans le lexique bien garni de Trump : « Il a déjà expliqué en interview qu’il a une réserve de surnoms pour certains membres du camp républicain, mais, tant qu’il est en campagne et qu’ils sont alliés, il ne souhaite pas les divulguer ». On imagine donc que ce n’est pas pour les brosser dans le sens du poil.

… et qui perdure aujourd’hui

Cette campagne électorale en vue du scrutin présidentiel du 5 novembre fait office de grand cru en la matière. Depuis le 15 juillet 2024 et la convention républicaine, Donald Trump multiplie les surnoms différents : Crazy Nancy Pelosi, Crooked Joe, Border Czar (pour évoquer la politique migratoire de Kamala Harris), Shifty Adam Schiff… En l’espace de quatre mois, on compte pas moins de 12 surnoms différents, et certains sont plus utilisés que d’autres…

Une folle, une menteuse, une communiste. Donald Trump n’y va pas de main morte au sujet de la candidate démocrate. Au total, la tête de gondole du Parti républicain a utilisé pas moins de cinq surnoms pour enammer ses électeurs en meeting ou sur Truth Social à l’égard de l’actuelle vice-présidente. « Pour Kamala Harris, il est toujours à la recherche du surnom qui accroche », rétorque Nicolas Baygert. « Il faut trouver le surnom qui colle en tout point à l’image que se fait l’électeur républicain de Kamala Harris pour qu’il puisse se l’approprier. Pour ce faire, Donald Trump en crée plusieurs, et attend de trouver le bon ».

Par contre, si les surnoms qui discréditent la démocrate se multiplient, un est plus utilisé que d’autres : « Comrade Kamala Harris ». Pourquoi ? « Comrade, qui signie camarade en français, lui rattache un penchant pour le communisme », poursuit Nicolas Baygert. « On lui colle un modèle de société qui pourrait effrayer l’électeur américain. En d’autres mots, il la radicalise pour l’éloigner de l’électeur indécis, et veut montrer la rupture entre Kamala Harris et les modérés du camp démocrate ».

Les surnoms donnés par Trump façonnent désormais une grande partie de son discours politique. Dans une élection présidentielle disputée au coude à coude, cette stratégie s’afrme comme un élément central de sa communication, susceptible d’inuencer le dénouement de l’élection… ou non. Réponse dans les urnes.