Interview pour L’Avenir, parue le 27 octobre 2024. Propos recueillis par Thomas Renard.
X, anciennement Twitter, est devenu le lieu de piques et d’attaques sur n’importe quel sujet. Le sprint nal vers la Maison-Blanche pour cette élection présidentielle 2024 ne fait pas exception. L’Avenir a recensé et décortiqué plus de 1000 tweets postés par les deux candidats à la présidentielle et leurs colistiers. Analyse.
Utilisée par 55 millions d’Américains en 2024, soit une personne sur cinq à travers le pays, X est devenu une plateforme incontournable pour les candidats an de toucher le public, mobiliser son électorat, et… attaquer ses adversaires. Ce réseau social est d’autant plus inuent que son propriétaire, Elon Musk, s’est afché comme un soutien inconditionnel de Donald Trump. Sa gestion controversée de la plateforme, marquée surtout par une politique de modération moins stricte qu’auparavant, renforce la place de X comme un véritable endroit propice au débat politique sans limites. »Kamala Harris est la plus faible candidate de l’histoire de la présidentielle américaine », « l’incompétence de Kamala Harris nous guidera jusqu’à la troisième guerre mondiale », « La seule chose que Trump et Vance savent des travailleurs, c’est comment proter d’eux ».
Depuis le 12 août 2024, soit le jour où Donald Trump a récupéré son compte X, lui, son colistier JD Vance, Kamala Harris, et Tim Walz, colistier de la candidate démocrate, ont tweeté 1354 fois en l’espace de trois mois. Un tiers de ces publications sont des tweets « offensifs ». Ces vives critiques comprennent les attaques purement personnelles envers leurs adversaires respectifs, les critiques sur le programme politique de chacun, mais aussi les montages photos ou vidéos promotionnelles critiquant vivement leurs opposants. Passons en revue les tweets de chacun.
Kamala Harris est la plus présente sur Twitter, JD Vance proportionnellement le plus offensif
Donald Trump : moins de tweets, plus d’attaques
Premier constat interpellant, Donald Trump est moins présent sur X que son adversaire démocrate. En l’espace de trois mois, il a tweeté 275 fois. Kamala Harris, elle, a tweeté pas moins de 536 fois. Un constat loin d’être surprenant selon Nicolas Baygert, expert en communication politique : « la stratégie de communication de Trump a évolué. Il utilise dorénavant d’autres canaux de communication. On peut citer son propre réseau social Truth social, mais aussi des rassemblements extrêmement fréquents et des interventions dans des médias dissidents. Il veut valoriser des apparitions ponctuelles qui seront de toute façon fortement médiatisées, reprises en boucle, découpées et partagées par ses soutiens ».
Si Donald Trump tweete moins, c’est pour mieux attaquer son adversaire. En effet, près d’un tweet sur deux s’attaque à la candidate ou à ses alliés. C’est bien simple, les jours où il a le plus tweeté sont synonymes de vagues d’attaques incendiaires à l’égard de la candidate démocrate.
Ce que pointe du doigt Trump à propos de son opposante ? Qu’elle est la principale responsable du « chaos migratoire » qui sévit dans le pays : « en plus d’être la candidate démocrate, elle est aussi l’incarnation du gouvernement Biden », poursuit Nicolas Baygert. « Donald Trump et JD Vance créent autour d’elle la gure du coupable, clairement identiable par son électorat. En plus, au sein de l’administration Biden, elle était en charge de la politique migratoire. Elle est donc une cible privilégiée, surtout pour ce sujet essentiel côté Trump. C’est une stratégie qui tactiquement est payante, car elle permet d’aller chercher des électeurs qui sont moins acquis au camp démocrate ». Pour Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’ULB et spécialiste de l’histoire de l’Amérique du Nord, « la considérer comme unique responsable de la situation migratoire aux USA permet de la discréditer assez facilement, en utilisant tous les prétextes possibles, allant jusqu’au mensonge pur et simple ».
La tendance à s’en prendre à Kamala Harris sur divers sujets, de l’immigration à l’économie, en passant par les médias traditionnels, se remarque dans les tweets de l’ex-président : le simple nom de la candidate démocrate est cité 50 fois. Il faut tout de même prendre ces chiffres avec des pincettes, car beaucoup de tweets s’attaquent à sa personne sans pour autant mentionner son nom. Donald Trump partage assez régulièrement des montages photo ou des vidéos très agressives à l’égard de la candidate démocrate : près de 40 tweets suivent ce schéma.
Kamala Harris : plus de tweets, moins d’attaques
Sur X, Kamala Harris tweete en moyenne huit fois par jour. Pour expliquer ce chiffre élevé par rapport à ses adversaires, plusieurs pistes de réponses possibles : « Kamala Harris a perdu beaucoup de temps dans cette élection, car elle est devenue candidate en cours de route », explique Serge Jaumain. « Elle partait avec un décit de notoriété, qui fallait résorber. Il n’est donc pas étonnant de la voir tweeter autant, parce qu’elle doit impérativement se faire sa place dans cette élection ».
Pour Nicolas Baygert, « Harris doit adopter une stratégie de candidate, mais aussi défendre le bilan de l’administration Biden, ce qui est difcile à intégrer dans sa campagne. La fréquence des tweets de Kamala Harris n’est pas nécessairement un signe d’agressivité, mais plutôt d’un effort stratégique pour diffuser plus largement les messages de la campagne démocrate ».
En effet, pour contrer le ton agressif de son principal adversaire dans la course à la Maison-Blanche, Kamala Harris opte pour une stratégie différente. Elle partage en masse des extraits d’interviews qui la mettent en valeur, ou attent le bilan de son administration. Cette tendance se reète dans ses pics d’activité sur Twitter : les jours où elle a le plus tweeté coïncident avec ses apparitions remarquées dans des émissions télévisées.
Donald Trump reste tout de même la cible de nombreux tweets de la part de la candidate démocrate : le nom de l’ex-président américain est cité plus de 200 fois en 536 tweets. Par contre, les tweets sont bien moins virulents du côté de la démocrate : Kamala Harris attaque souvent l’ex-président sur son programme et ses projets. À l’inverse, Trump vise en premier lieu la personne Kamala Harris, bien avant son programme. Les attaques sont donc plus violentes.
D Vance, le colistier de Trump est, et de très loin, celui qui attaque le plus Kamala Harris. C’est bien simple, 60% de ses tweets sont des attaques directes au sujet de la candidate. Tout comme Donald Trump, à travers Kamala Harris, il critique vivement les migrants, la situation économique du pays et, de manière générale, l’administration Biden. Le colistier républicain tweete plus, et attaque plus que Donald Trump.
« JD Vance, dans sa communication, est plus vigoureux que Donald Trump », entame Serge Jaumain. « Il essaye de se démarquer, tout en restant dans la lignée de Trump. Il a la lourde tâche d’exister à côté du candidat républicain. Pour ce faire, il tente d’être encore plus offensif que lui. En d’autres termes, il veut être plus trumpiste que Trump lui-même ».
Être à ce point offensif est une manière d’exister pour JD Vance dans cette campagne. « Ce qui est fort avec JD Vance, c’est qu’il a la capacité d’adapter son discours en fonction du canal de communication », explique Nicolas Baygert. « Sur X, l’algorithme pousse les contenus les plus offensifs. Il n’y va pas de main morte dans ce domaine à l’égard des démocrates ». Il n’est donc pas étonnant de voir le nom de la vice- présidente cité à 113 reprises, sur un total de 249 tweets. « Par contre, en débat ou en meeting, le colistier est plus calme ».
Tim Walz : moins de tweets, moins d’attaques
Dans cette campagne, Tim Walz, l’alter-ego de JD Vance est sans aucun doute le prol le plus calme. Il tweete peu, et attaque moins souvent que Kamala Harris ou ses adversaires. Seul un tweet sur cinq s’attaque à Trump ou Vance. C’est nettement inférieur comparé aux autres acteurs de cette campagne électorale.
Son tempérament calme sur X correspond totalement à l’image que Walz veut se donner : « Tim Walz cherche à être le voisin à côté de qui on a envie d’habiter, quelles que soient ses opinions politiques », conclut Serge Jaumain. « Il laisse Kamala Harris aller au front, car elle a besoin de montrer qu’elle fait le poids face à Trump. Lui, veut montrer que c’est un bon gars, même au sein des électeurs républicains ». Un propos que rejoint Nicolas Baygert : « il incarne à lui seul la classe moyenne qui se retrousse les manches ».
À quelques jours du scrutin, la bataille se joue d’abord sur X, avant de se décider dans les urnes. Verdict le 5 novembre pour savoir qui triomphera, en ligne comme dans les votes.

Laisser un commentaire