Trump au McDo, Poutine archéologue, Sophie Wilmès kayakeuse… 5 mises en scène politiques démagos

Interview pour le magazine Moustique, paru le 22 octobre 2024. Propos recueillis par Elise Hallet.

Les politiciens ne reculent devant rien pour séduire l’électorat, pas même le ridicule.  

Dans l’arène médiatique contemporaine, les politiciens rivalisent de mises en scène. Certaines images, comme celle de Poutine chevauchant un ours, peuvent prêter à sourire. Mais ne vous y trompez pas, même une visite de supermarché cache parfois une mécanique bien huilée et un objectif précis. Comme le disait Coluche, « La politique, c’est comme le théâtre : il y a ceux qui jouent la comédie et ceux qui la croient. »

Trump aux fourneaux du McDonald’s

À quinze jours des élections présidentielles, tous les coups sont permis aux États-Unis. Donald Trump a troqué son costume pour un tablier de cuisine, et a manié la friteuse d’un McDonald’s, fermé pour l’occasion. « Ces mises en scène sont un moyen pour ces figures politiques de casser la distance avec leur électorat », explique Nicolas Baygert, spécialiste de la communication politique (IHECS, ULB et Sciences Po Paris). « Donald Trump réussit à incarner deux images : celle de l’Américain qui se rend dans un fast-food, et celle de l’homme d’affaires qui arpente les parcours de golf. »

Véritable opération séduction en Pennsylvanie donc, cet État pivot au passé industriel. Comme souvent, l’objectif du président était de provoquer sa rivale, Kamala Harris, qui affirme avoir travaillé comme étudiante dans une des enseignes du célèbre fast-food. Et comme souvent, Donald Trump crie au mensonge.

Un job d’été au McDonald’s devenu un argument de campagne pour la candidate démocrate. Son parti est encore souvent perçu comme celui des élites, éloigné des réalités des classes populaires. « Peu d’Américains la connaissent, et ils peinent à comprendre qui elle est vraiment. Certaines de ses tentatives de rapprochement avec la population, comme son changement d’accent en fonction de son public, sont mal reçues par la population », explique Nicolas Baygert. Mieux vaut ne pas trop en faire, donc, au risque de vexer de potentiels électeurs.

Le biceps d’Emmanuel Macron

En mars dernier, le président français a laissé tomber l’image de gendre idéal le temps d’un cliché, suscitant la perplexité. Il s’affiche en sueur, le biceps saillant, tapant du poing sur un punching-ball. Quelques mois auparavant, sa femme expliquait la routine sportive de son mari en long et en large. Au menu : deux entraînements de boxe et de la marche à pied.

Mais cela n’a pas suffi à convaincre ses détracteurs : biceps photoshoppé, image viriliste, jugeait même la députée écologiste Sandrine Rousseau. En filigrane, d’autres distinguent plusieurs messages. Un mois après la diffusion de la photographie par Emmanuel Macron, Poutine, habitué des clichés du genre, allait (sans aucun doute) vers sa cinquième investiture. Et surtout, il menait une guerre contre l’Ukraine, où Macron, autoproclamé médiateur, a été maintes fois humilié.

Dans l’Hexagone, la boxe semble être un véritable outil de communication politique. En campagne, Édouard Philippe s’est prêté au jeu, tout comme Valérie Pécresse ou encore Rachida Dati. Mais quel que fût l’objectif de Macron, sa tentative a viré au bad buzz.

Sophie fait du kayak

Ces mises en scène sont aussi parfois l’occasion de faire avaler certaines pilules. Retour au printemps 2020, quand la Belgique se déconfine peu à peu. À ce moment, les rassemblements familiaux et les sports de groupe restent interdits. Contrairement au kayak, érigé au rang de symbole de liberté par la Première ministre, qui n’hésite pas à se mettre en scène, en pleine descente de la Lesse.

Une photo, digne d’une publicité pour un parc d’attractions, immortalise le moment et est postée sur son compte Instagram, avec pour légende : « De la Côte aux Ardennes, il y a mille et une choses à faire en Belgique cet été. Même du kayak ! » Un trait d’humour qui avait fait grincer des dents.

Taxiiii !

En grand adepte des réseaux sociaux et du buzz, Georges-Louis Bouchez a joué au chauffeur de taxi à la veille des élections fédérales. Aux abords de plusieurs gares wallonnes, deux militants arboraient un panneau MR et proposaient de transporter les passants jusqu’à leur lieu de travail. L’occasion de souligner l’importance que le parti libéral dit accorder aux travailleurs. « Il y a une touche d’autodérision, comme chez Elio Di Rupo ou Bart De Wever, soulève Nicolas Baygert. Les politiciens néerlandophones y sont plus enclins, sans doute parce que la starification des politiciens fait partie de la culture flamande. »

Résultat, quelques capsules vidéo reprenant les échanges du président de parti avec ces citoyens. Il y a fort à parier qu’il s’est inspiré de Jens Stoltenberg, ancien secrétaire général de l’OTAN, du temps où il était Premier ministre norvégien. En 2013, en pleine campagne législative, il vadrouille dans les rues d’Oslo en tant que taximan. Il en profite pour doper sa popularité et s’enquérir des préoccupations de la population. Tout cela, incognito, à moins que ses passagers ne finissent par le reconnaître sous ses lunettes de soleil.

Poutine, roi du show

C’est incontestablement à Poutine que revient la palme des mises en scène les plus loufoques. On se souvient du montage photographique du président russe, torse nu, montant à cheval. En 2011, il pousse le curseur plus loin encore, se présentant comme un Indiana Jones russe. Alors Premier ministre, il a sondé les profondeurs de la mer Noire lors d’une plongée sous-marine. Et miracle poutinien, il aurait découvert deux amphores (vases antiques) vieilles de 15 siècles.

Le hic, c’est que celles-ci étaient intactes, exemptes de tout coquillage ou algues. Rapidement, les internautes ont découvert la supercherie, contraignant son porte-parole à se justifier. « Bien sûr qu’elles ont ensuite été remises (à l’eau pour la venue de M. Poutine), mais c’est tout à fait normal, ce n’est pas une raison de se moquer », avait-il expliqué. Cette démesure communicationnelle est typique des autocraties, d’après Nicolas Baygert. « Ces régimes sont des fabriques du héros, les leaders sont élevés sur un piédestal. Une stratégie opposée à celles qu’on retrouve dans les démocraties, où on cherche à casser la distance entre le leader et son peuple. »

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