Attentat de Londres : « Même les terroristes les plus radicalisés ont cette culture 2.0 »

Propos recueillis par Louis Colart pour Le Soir, le vendredi 24 mai 2013.

Le comportement des assassins du soldat britannique à Londres a étonné par son rapport à l’image: ils n’ont pas essayé de fuir et ont tenu à être filmés. Pour Nicolas Baygert, enseignant-chercheur en science de la communication, les terroristes ont intégré une culture de l’image à l’occidentale. Interview.

Interview de Nicolas Baygert, chercheur en science de la communication.

Ce qui est frappant avec cet attentat à Londres, c’est que les terroristes ne se sont pas enfuis. Au contraire, ils voulaient être filmés, s’exprimer. C’est le triomphe de la communication de guerre ?

« Je ne sais pas si l’on peut parler de communication de guerre. Par contre, on peut parler d’un acte qui intègre la dimension communicationnelle. L’acte de guerre, barbare, n’existe que parce qu’il est suivi d’une reprise dans les médias. Le but est toujours le même : marquer l’opinion, attirer l’attention. Dès le départ, il y a cette volonté de diffuser un message en attirant l’attention médiatique. Il faut savoir que dans la formation des activistes violents, depuis quelques années, la communication, la gestion des médias en font partie intégrante. A Londres en effet on a observé cette demande d’être filmé pour s’exprimer : le tueur a parlé de la loi du Talion (oeil pour oeil, dent pour dent), de sa volonté de toucher le monde entier… Au-delà de ce cas précis, depuis le 11-Septembre, la moindre micro-organisation a quasiment sa petite boîte de production qui l’accompagne. Cela leur permet d’inonder le web et les chaînes de télévision d’images. Le but est de faire peur, mais aussi de susciter des vocations, notamment auprès de gens qui sont tentés par cette idéologie mais qui hésitent à passer à l’acte. »

Les médias jouent-ils un rôle dans cette tendance ?

«  Les médias traditionnels s’interrogent. Il existe de plus en plus de vidéos qui circulent, de plus en plus vite sous l’influence des réseaux sociaux. Donc les médias traditionnels s’interrogent, faut-il les diffuser ? On a vu, par exemple, que France 2 a choisi de ne pas diffuser la vidéo du tueur de Londres et a préféré un commentaire. Ils considéraient sans doute que diffuser cette vidéo revenait à faire un cadeau aux terroristes, puisque c’est précisément ce qu’ils voulaient. Mais, de toute façon, les images circulent. Le débat dans les médias n’est pas nouveau. On se souvient que pendant le 11-Septembre les journalistes de télé s’étaient demandés s’il fallait montrer les gens qui sautaient des tours en flammes. Il y a une forme de pudeur, mais qui diffère d’une chaîne à l’autre.  »

Dans la même idée, Mohamed Merah avait filmé ses crimes avec une caméra mobile…

«  Je pense que les terroristes, aujourd’hui, ont adopté une culture de l’image, une culture 2.0 très occidentale. On parle beaucoup en ce moment de terrorisme « do it yourself » (faites-le vous-même, ndlr). Avec les informations qui circulent sur le web il y a des petites cellules terroristes qui se forment seules. Elles ne se situent pas dans une organisation type Al-Qaïda. C’est plus une nébuleuse avec un pouvoir qui vient d’en bas. Je pense que même les plus radicalisés ont cette culture 2.0, paradoxalement très occidentale. Ils s’intègrent dans cette société du spectacle. Enfin, ce qui est notable dans la communication de ces nouveaux terroristes, c’est la plasticité de l’image, l’esthétisme. La volonté de créer un symbole pour créer un climat de terreur.  »

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