Analyse parue dans l’Express, le 4 juin 2013.
Attaques internes, manque de leadership, primaire parisienne contestée. La crise couve à l’UMP et, pour notre contributeur Nicolas Baygert, la seule solution est de tourner la page Sarkozy.
Guerre des clans, « couacs » communicationnels, dissensus idéologique et segmentarisation accrue de son électorat; en tant qu’organisation, l’UMP subit une crise de leadership profonde. Analyse avec Nicolas Baygert, chercheur au LASCO et doctorant au CELSA ainsi qu’à l’Université catholique de Louvain (Belgique).
À l’UMP, l’ère est aux motions et aux « mouvements », au moins depuis le scrutin interne du mois de novembre 2012. Exit la gestion « top-down »; avec la « Droite forte » de Guillaume Peltier, la « France moderne et humaniste » de Jean-Pierre Raffarin, la « Droite populaire » de Thierry Mariani, la « Droite sociale » de Laurent Wauquiez, les nuances doctrinaires s’émancipent. À ces groupuscules communicant à tue-tête s’ajoutent le RUMP mort-né de François Fillon, les associations tels « les Amis de Nicolas Sarkozy » ou les fidèles chiraquiens, réunis il y a peu pour célébrer les 80 ans du patriarche.
Cette balkanisation partisane -constatée une nouvelle fois durant les primaires à Paris- donne entièrement raison à Jean-François Copé, parlant à juste titre d’un apprentissage de la démocratie à l’UMP. Là où divers courants coexistent depuis longtemps au PS, après une décennie de bonapartisme sarkozyste, l’ancienne « Union pour la majorité présidentielle » (création 100% chiraquienne) rompt en quelque sorte avec son ADN gaulliste: une dynamique plébiscitaire autour d’un chef autoritaire et populaire. Ayant changé ses statuts en vue des primaires de 2016, cette rupture équivaut à un changement de « Hardware » radical. Or, depuis, c’est le système d’exploitation qui « beugue ». Pour fonctionner, la nouvelle structure partisane, dotée de nouveaux statuts en vue des primaires de 2016, exige un deuil: celui du sarkozysme.
Un deuil impossible, car malgré son retrait provisoire de la vie politique, Nicolas Sarkozy reste dans l’ombre un noir lumière (ou « outre-noir » dirait le peintre Pierre Soulages), l’ancien Président restant en effet pour bon nombre de militants l’unique phare dans l’obscurité partisane. Son autorité égalerait celle d’un Vito Corleone: en plein climax du duel Copé-Fillon, le Parrain tapa du poing sur la table, imposant son ultimatum et asseyant ainsi son autorité sur la formation de droite, malgré son éloignement des affaires. Sarkozy innove, là encore, en pratiquant l’art de l’omniprésence dans l’absence.
Car l’ex-omniprésident distille désormais avec soin ses sorties médiatiques. En mars, de Bruxelles où, sous formes de pointes d’humour, il lança quelques Scuds (missiles à courte portée) à destination de François Hollande, tandis que ce dernier préparait son grand oral sur France 2. L’occasion pour Nicolas Sarkozy de démontrer son aisance rhétorique et son charisme intact et d’entretenir un contraste permanent avec ce président normal qui peine tant à trouver costume présidentiel à sa taille.
De Londres, ce lundi, il pose avec le Premier Ministre David Cameron, une rencontre « privée » au service d’une diplomatie parallèle -en « off »- menée par l’ancien chef de l’Etat. En soignant sa stature internationale de la sorte (dans ses conférences et ses rencontres des « grands de ce monde »), l’ancien maire de Neuilly fait tourner la machine symbolique et nostalgique à plein régime. Car c’est un film muet que l’on projette désormais à l’écran; le « style Sarkozy » s’affichant désormais généralement sans le son. Objectif: susciter la comparaison permanente avec l’actuel occupant de l’Elysée, auprès d’une opinion peinant à saisir le « style Hollande« .
Du reste, en amenant François Baroin dans ses bagages à Londres, l’ex-Président démontre sa propension à entretenir sa cour, une cour bien vivante et de laquelle Jean-François Copé semble définitivement exclu – Copé qui fera le déplacement au 10 Downing Street ce mercredi, sans son mentor.
Avec Nicolas Sarkozy comme unique unité de mesure à droite, la marque « Sarkozy » constitue un enjeu de taille, comme en témoigne le lobbying interne jadis effectué par Geoffroy Didier et Guillaume Peltier, qui bataillèrent afin de garnir la motion « La Droite Forte » du label « Génération Sarkozy » lors du vote des militants en novembre (une appellation contrôlée rappelant le slogan « Génération Mitterrand » signé Séguéla, en 1988 et l’association Génération Le Pen, fondée dix ans plus tard).
Reste aux fidèles sarkolâtres et autres sarkostalgiques le choix de l’exégèse; canonique dans le cas des « Amis de Nicolas Sarkozy », comme en témoignent les Tweets de l’association, ou cultivant la glose buissonniste en référence à Patrick Buisson, l’ex-conseiller axant la campagne de 2012 autour de thématiques identitaires.
Aussi, tant que L’UMP s’adonne, pour reprendre l’expression de Luc Chatel, à un véritable « concours de brevet en sarkozysme », le processus de démocratisation interne aura peu de chances d’aboutir, la figure tutélaire du chef, par son aura, demeurant incontournable.
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