Billet politique de Benoît Mathieu dans l’Echo, paru le 27 février 2015, reprenant, notamment, mes propos et ceux de Vincent Laborderie.
Ecolo, MR, PS ou cdH: les partis francophones se sont lancés dans des opérations de réflexion ou de repositionnement. Opération de com’ ou réflexe salutaire? Que faut-il en attendre?
Se regarder le nombril. A priori, l’expression est peu flatteuse. Pourtant, en politique, elle peut s’avérer salutaire. Prenez les principaux partis francophones: ils se sont tous lancés dans un processus de réflexion, plus ou moins intense. « Régénération » chez Ecolo, « assises de l’interculturalité » au MR, « chantier des idées » au PS et « TomorrowLab » pour le cdH – dans l’ordre d’apparition. Un phénomène qui revient de manière cyclique – avec des succès variables. Et fait généralement surface lorsque le parti concerné est dans une posture difficile. « En même temps, les partis estiment souvent être en difficulté sur au moins un plan« , sourit Jean Faniel, directeur général du Crisp. A vrai dire, il est normal de se remettre en question après s’être pris une veste électorale. « Et puis, tous les partis traversent une crise d’identité, souligne Nicolas Baygert, professeur de communication politique à l’Ihecs. Accélération du temps politique, personnalisation de l’information, électeur de moins en moins fidèle: ils doivent présenter une offre plus tranchante, voire agressive.«
Le timing n’est pas totalement innocent non plus. Repositionner son parti, recentrer le message, c’est aussi une façon de revenir à l’avant-plan. « De se faire une place dans l’actualité« , glisse Vincent Laborderie, politologue à l’UCL. Parce que celle-ci n’a pas forcément besoin de vous, surtout si vous croupissez dans l’opposition. Entre la guéguerre que se livrent CD&V et N-VA, le conclave budgétaire ou la réforme fiscale à venir, il faut savoir jouer des coudes.
Ouvrir portes et fenêtres
Ce qui ne veut pas dire qu’il faut résumer l’affaire à une opération de com’. On ne sait jamais ce qu’il peut sortir d’une séance de brainstorming. Du vent ou de grandes idées. Tout dépend déjà de l’ouverture de la chose. « Si l’on reste entre soi, que peut-il bien en sortir?« , analyse Vincent Laborderie. Il faut ouvrir les portes et les fenêtres. Ce qu’annonçait d’ailleurs Benoît Lutgen pour son cdH – afin de mesurer le degré d’ouverture, on pourra toujours vérifier si Pascal Delwit a reçu un carton d’invitation. Et de ce que l’on fait du résultat. Le parti est-il capable de faire siennes les conclusions de ladite réflexion? Cela tient parfois au bon vouloir du chef. Prenez-le cdH, encore lui. Certains se plaignaient du dirigisme de Joëlle Milquet? Eh bien, ils sont servis avec Benoît Lutgen, qui tranche (presque) tout (presque) tout seul. Un symptôme: le centre d’études du cdH s’est déjà désolé de ne pas être consulté. Une illustration: ce « TomorrowLab » devait être discuté au bureau politique du cdH, lundi. Sauf que le président l’avait déjà annoncé au « Soir », le matin même.
L’exercice n’est donc pas anecdotique. Chez Ecolo, il était nécessaire. A présent, les Verts doivent arriver à en sortir. A mettre en avant un message simple et intelligible – une unique selling proposition, dans le vocabulaire de Nicolas Baygert. Le tout devant être porté par une équipe capable d’incarner ce message.
Au MR, si l’on exclut les tuiles Kubla et De Decker, ce n’est pas (trop) la grosse remise en question. N’empêche, le parti a raison de clarifier sa position sur des questions sensibles qui ont cruellement rappelé leur urgence. Si la remise en question n’est pas globale et porte uniquement sur le thème de l’interculturalité, cela permettra peut-être de lever une des ambiguïtés de la boutique d’Olivier Chastel. Qui, sur bon nombre de sujets de société, pratique le « vote à la carte », chaque député se prononçant selon ses convictions personnelles. Mais que veut le MR? S’inscrire comme un parti plutôt ouvert, de tendance libérale, ou amorcer un virage plus conservateur, façon UMP? Puissent ces « assises » lever le doute, ne fût-ce que partiellement.
Au PS, l’urgence est plus prégnante. Le chef est contesté et les reproches s’accumulent sur le dos du PS, qui se serait partiellement perdu dans le long exercice du pouvoir. Là aussi, une interrogation: quel courant va l’emporter? La tendance sociale-démocrate, incarnée jusque-là par Di Rupo? Ou une ligne plus dure, à gauche toute? « Ce sera vraisemblablement la seconde, estime Vincent Laborderie. C’est amusant: au moment même où le PS français fait l’inverse et s’adonne à une sorte de social-libéralisme, à la sauce Valls et Macron. »
C’est au cdH que cela urge le plus, sans doute. Enfin, pas au point de se presser à ce point-là et de devoir piteusement changer d’appellation dès le lendemain. Parce que « TomorrowLab », ça existe déjà, désolé. Une petite vérification, cela ne coûte pas grand-chose. Sur le fond, le parti a tenté de se débarrasser de la référence chrétienne, sans pour autant réussir à proposer un projet de société plus intelligible. « La démocratie ou l’humanisme, ce ne sont pas des repères idéologiques différenciants ou mobilisateurs« , tranche Nicolas Baygert. Plutôt des valeurs partagées par tous, ou presque. Quant au centre, cela peut être porteur, en Belgique. Le problème du centre à la sauce cdH, c’est qu’il est plutôt collé à la gauche. En tout cas dans l’inconscient collectif.
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