Contenu sponsorisé : Les partis politiques envahissent nos fils Facebook

Interview pour Paris Match, parue le 10 mai 2019. Propos recueillis par Elodie Métral.

Les contenus sponsorisés payés par des partis politiques poussent comme des champignons sur Facebook, et on a le droit à tout : allant de Marine Le Pen qui soutient le Vlaams Belang, à une candidate DéFI qui fait du cheval. On analyse ce phénomène avec Nicolas Baygert, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication.

Les élections auront lieu dans un peu plus de deux semaines, et les partis politiques sont prêts à tout pour mener à bien leur campagne. Que ce soit le PS, le MR, DéFI, ou encore le cdH, (pour ne citer qu’eux), les partis ont bien compris que la communication politique ne se limite plus maintenant à placarder des affiches dans la rue, distribuer des tracts le dimanche au marché, ou débattre sur des plateaux télévisés.

Depuis quelques semaines, des vidéos et des photos présentant les programmes de partis politiques, que l’on ne suit même pas, fleurissent dans nos fils d’actualité Facebook. À chaque rafraîchissement de la page, une nouvelle vidéo ou une nouvelle photo surgit dans le fil pour les plus chanceux. Pour ceux qui ont moins de veine, c’est toujours le même post qui apparaît, qu’on le veuille ou non.

facebook
Exemples de contenus sponsorisés sur Facebook par des partis politiques, ici le Vlaams Belang et DéFI. © Capture d’écran / Facebook

Grâce au contenu sponsorisé, les partis politiques peuvent maintenant atteindre qui ils veulent, que l’on soit partisan ou non, consentant ou non. Cet affichage dans notre fil d’actualité Facebook reviendrait finalement à nous forcer à prendre un tract alors qu’on se baladerait tranquillement au marché. Du bourrage des boîtes aux lettres à la saturation des réseaux sociaux, il n’y a qu’un pas.

Nous n’avions pas souvenir d’avoir connu un tel tapage durant des élections. Pourtant, les hommes politiques étaient déjà présents en 2012, bien que c’était encore tout nouveau à l’époque. Nicolas Baygert, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, explique qu’aujourd’hui, les réseaux sociaux et en particulier Facebook font parties à part entière des outils de campagne. Les partis politiques se sont adaptés à notre mode de vie afin de nous toucher plus directement, et « c’est un nouveau canal de communication qui a pris une importance considérable » affirme Nicolas Baygert. C’est aussi un moyen très stratégique qui permet de cibler directement un public bien précis.

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Est-ce vraiment efficace ?

« Même si ce genre de campagne peut rebuter quelques personnes, c’est avant tout un moyen de se faire connaître » explique Nicolas Baygert. « Prenons l’exemple du Vlaams Belang, qui n’a pas de visibilité dans les médias francophones. Aujourd’hui, ils diffusent une vidéo sponsorisée visant uniquement Bruxelles-Capitale et la Wallonie. Pas la Flandre. L’idée ici est de se faire connaître en ratissant large. » En effet, grâce au ciblage des contenus sponsorisés, le parti peut s’adresser directement à une catégorie de personnes bien précise. Facebook permet de choisir parmi un nombre incalculable de critères disponibles, allant de l’âge, du sexe, et du lieu de vie, à notre situation matrimoniale.

Et attention. Ce n’est pas parce que la communication est effectuée sur les réseaux sociaux qu’elle est moins sérieuse : elle est tout aussi maîtrisée que les canaux classiques. Afin d’atteindre au mieux les électeurs francophones, le Vlaams Belang utilise par exemple la méthode de co-branding. Ainsi, depuis le 5 mai, une vidéo sponsorisée présente Marine Le Pen, figure bien connue des francophones, soutenant Tom Van Grieken pour les élections européennes.

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Le site Ad Library permet de voir le budget alloué à un contenu sponsorisé et le public atteint. © Capture d’écran / Ad Library

Même si ce genre de contenu sponsorisé peut rebuter certaines personnes, l’objectif premier est d’atteindre une plus grande visibilité.

Face à ce genre de communication beaucoup plus directe et efficace, on peut se demander si le cordon sanitaire présent à la télévision francophone est toujours efficace. Étonnamment, Nicolas Baygert nous explique que « la télévision reste le numéro 1 de validation politique ». Elle donne une forme « d’adoubement » aux personnalités politiques qui peuvent débattre sur un plateau télévisé. « Si une personne n’est pas invitée, cela crée évidemment un déficit en terme de visibilité et de représentativité, mais aussi surtout en terme de légitimité. » Malgré tout, les jeunes générations regardent de moins en moins la télévision, « ce qui peut présenter un avantage pour les partis politiques » qui ne sont pas adeptes des débats télévisés selon Nicolas Baygert.

Facebook et le monde politique

L’importance de ce phénomène n’est pas vraiment nouvelle dans notre société. Les réseaux sociaux ont un véritable rôle à jouer dans la sphère politique, et l’un des meilleurs exemples est l’utilisation de Twitter par le président des États-Unis Donald Trump.

Autre exemple : le PDG de Facebook Mark Zuckerberg, CEO de Facebook, avait était remercié par Nigel Farage, partisan du Brexit, lors de sa venue au Parlement européen.

Vidéo intégrée

« Je suis votre meilleur client » entonne Nigel Farage dans la vidéo. Déclarant également lors de son intervention que « jamais le Brexit et l’élection de Trump n’auraient eu lieu s’il n’y avait eu que les médias classiques ».

Mais ce phénomène des contenus sponsorisés est-il négatif pour autant ? Nous reprochons depuis des années à Facebook que ses algorithmes nous enferment dans notre bulle, nous confortant dans notre vision du monde sans nous mettre face à des avis divergents. Mais la vraie question se trouve ailleurs. Le contenu sponsorisé a-t-il vraiment pour objectif de nous faire sortir de notre bulle en nous présentant différentes opinions politiques ? Il semblerait que non. La communication laisse peu de place à la réflexion, et à l’heure des fake-news, il est de mauvaise augure de prendre pour argent comptant ce que l’on trouve sur internet, et encore moins quand cela vient de partis politiques qui veulent obtenir notre voix en vue des prochaines élections. La solution est donc de ne pas « céder à une paresse intellectuelle » comme nous conseille Nicolas Baygert, et de confronter nos idées pour mieux sortir de notre bulle.

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