Donald Trump et Twitter, retour sur un duo gagnant qui a pris fin cette semaine

Entretien pour le site d’infos de la RTBF paru le 10 janvier 2021. Propos recueillis par Clément Larue.

Après la décision de Twitter de suspendre de manière définitive le compte de Donald Trumpsuite aux incidents du Capitole à Washington mercredi qui ont provoqué la mort de quatre personnes, le président sortant serait-il dépossédé de son arme ou au contraire pourrait-il renforcer sa parole via d’autres canaux ?

Trump a quasiment tout annoncé, démenti, critiqué, félicité, partagé grâce à son compte Twitter personnel. Mais sans cette présence qui a fait tant couler d’encre, comment va-t-il communiquer ?

Après onze ans d’existence sur le réseau social, 88 millions d’abonnés et des dizaines de milliers de tweets, il se retrouve bloqué avec pour seuls vestiges matériels les innombrables captures d’écrans et articles au sujet de ces – parfois – sulfureux messages. Bien que plusieurs fois menacés et restreint par des suppressions de tweets suite à des propos de désinformation ou appelant à la violence, D. Trump n’a jamais modifié sa communication car cet outil lui a permis d’être omniprésent et d’imposer l’agenda politique qu’il souhaitait à travers sa forte communauté et au-delà.

C’est en mai 2020 que le réseau social américain indique une mention « vérifiez les faits » sous deux posts du président américain qui affirmait que le vote par correspondance était « frauduleux ».

« Ces tweets contiennent des informations potentiellement trompeuses sur le processus de vote et ont été signalés pour fournir du contexte additionnel sur le vote par correspondance. Cette décision a été prise en accord avec l’approche que nous avons présentée plus tôt ce mois-ci« , a justifié un porte-parole de la plateforme.

Deux semaines auparavant, Twitter avait renforcé ses règles pour lutter contre la désinformation sur la pandémie, en élargissant les types de messages qui pourront être signalés aux utilisateurs comme potentiellement « trompeurs » ou « controversés« . Un changement qui signe la fin d’une impunité et d’un discours libre pour Trump qui se trouve un énième ennemi (et meilleur ami de longue date à la fois).

Des réflexions tous azimuts de tout temps

Le chemin fut long et varié avant ces premières mises en garde de Twitter. Déjà en 2012, au début du second mandat de Barack Obama, le milliardaire américain ne se privait de tenir des propos polémiques, ou pseudo « révélations fracassantes » sur Obama et l’histoire des certificats de naissance, ou lorsque quelque chose lui déplaisait. Quitte à être dénigrant ou insultant, comme lors de sa campagne pour la course à la Maison Blanche en 2016. Il avait alors attaqué et insulté répétitivement durant plusieurs mois une journaliste de Fox News, Megyn Kelly, suite aux critiques qu’elle avait formulé à l’égard du candidat.

A la même période, c’est envers sa rivale de l’époque, la candidate démocrate Hillary Clinton que Donald Trump avait choisi son moyen de communication préféré pour des « envolées politiques » pas toujours très objectives ou factuelles. Pourtant à l’été 2016 le candidat républicain du moment ne compte « que » 8,8 millions d’abonnés, un chiffre multiplié par dix durant les quatre ans de son mandat présidentiel (88,9 millions en janvier 2020).

C’est aussi durant cette période électorale, plus précisément après le vote en novembre, que Trump commence à être critiqué et moqué pour son utilisation de Twitter, en dépit des recommandations d’utiliser le compte officiel @potus prévu pour les présidents.

Le milliardaire américain tweet vite, et de très nombreuses fois. Parfois même trop vite au point qu’il supprime dans la foulée certains messages postés impulsivement.

Un duo gagnant

Il s’était même vu « déconseillé » par ses collaborateurs de poster sur Twitter à la veille de l’élection afin d’éviter des messages impulsifs et pouvant lui créer de nouveaux ennemis. Une longue liste de 598 choses, lieux et personnes insultées par Donald Trump avait été listée par le New-York Times.

Ce canal de communication est celui qui permet à Donald Trump d’obtenir des réactions instantanées, tout comme d’amplifier la colère et l’indignation de par la radicalité volontaire de ses propos et opinions. Comme l’explique Nicolas Baygert, chargé de cours à Sciences Po Paris, à l’IHECS et expert en communication politique : « Donald Trump et son compte Twitter ont formé un duo gagnant pendant près d’une décennie. Il est en campagne permanente et ce réseau social lui offre la possibilité de l’être en façonnant l’agenda politique et médiatique à sa guise. »

Par des tweets il répète, voire martèle, ses idées tout en attirant l’attention sur le sujet qu’il aura choisi de mettre en avant. « En répétant des formules qui incluent ses vérités et en étant actif en permanence, Trump est parvenu à soumettre les médias traditionnels à Twitter. Il a même transformé ces médias en une sorte de service après-vente de Twitter« , constate Nicolas Baygert à propos de ce nouvel agenda politiquo-médiatique.

A titre d’illustration, fin 2019 Donald Trump tweetait un photomontage de lui en Rocky torse nu, tout en formulant des critiques contre le parti démocrate. Ce post lors d’une semaine de congé du Congrès suivait un meeting devant plusieurs milliers de partisans en Floride. Sur les réseaux sociaux et en physique, la campagne est perpétuelle même lorsque les autres s’arrêtent.

Cette omniprésence couplée aux répétitions de ses propres vérités (malgré des fact-checkings le corrigeant) a aidé Donald Trump à séparer des « chambres d’échos que sont les réseaux sociaux« , commente l’expert en communication politique.

Même s’il est impossible de produire un sens collectif sur ces plateformes (càd : que tous les utilisateurs aient une vue sur l’entièreté de la plateforme), des connexions existent entre ces chambres. Et la suspension définitive de Trump sur Twitter pourrait rendre beaucoup moins évidentes les connexions entre ces mondes d’opinions en séparant chacun sur des plateformes différentes, sans vue d’ensemble donc.

Trump sera-t-il toujours Trump sans Twitter ?

Pour Nicolas Baygert, il est clair que le divorce entre Trump et Twitter est acté : « Ce n’est pas une adresse IP qui est bannie, c’est sa personne« . Mais ce divorce pourrait entraîner une fragmentation du monopole que le réseau social américain détient. « En prenant cette décision, les réseaux sociaux se placent en juges de la liberté d’expression« , poursuit-il. Même s’ils ont cherché à se développer pour créer un monopole, les voilà pris à leur propre jeu. Les géants du web pourraient bien y perdre des plumes avec l’émergence d’une multitude d’autres plateformes similaires à Twitter ou Facebook.

Le président sortant a indiqué vouloir créer sa propre plateforme médiatique, mais rien ne garantit pour autant la faisabilité de ceci. Comme l’a fait encore Amazon ce dimanche avec la suspension de Parler, si une plateforme se trouve être « intéléchargable » il devient difficile de construire sa propre chambre d’échos. En effet, Google et Apple avaient déjà retiré Parler de leur plateforme de téléchargement d’applications respective, mettant en cause des « incitations à la violence et activités illégales ».

De nombreux fans du président américain se sont en effet rués sur les plateformes conservatrices comme Parler ou Gab suite à la décision prise par Twitter de fermer définitivement le compte de Donald Trump.

D’autres réseaux grand public comme Facebook, Instagram, Snapchat ou Twitch ont aussi suspendu le profil du locataire de la Maison Blanche après les événements de mercredi.

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