TikTok: l’avènement du politique influenceur en Belgique?

Entretien croisé pour L’Echo paru le 11 septembre 2021. Propos recueillis par Hélène Seynaeve.

Selon des données récoltées par L’Echo, le phénomène TikTok parmi les politiciens belges reste limité, mais prend progressivement de l’importance.

La semaine dernière, Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang, créait la polémique avec une vidéo TikTok invitant les internautes à dénoncer les professeurs « gauchistes ».

Le réseau social chinois, populaire auprès des 14-24 ans, s’est fait connaître pour ses chorégraphies reprises en boucle. Désormais, les politiques l’investissent, s’invitant même dans le débat public grâce à leurs posts devenus viraux.

Pour décrypter l’ampleur du phénomène TikTok sur la scène politique belge, nous avons examiné la présence de 492 élus issus des différents gouvernements et Parlements (Fédéral, Régions, Communautés), sauf Communauté germanophone. Résultat? Dans notre échantillon, moins de 7% détiennent un compte actif, mis à jour en 2021 et avec plus de cinq vidéos. Moins de 5% ont un compte « dormant ».

De quoi nuancer le phénomène… du moins pour l’instant. « On estime près de 3 millions de comptes actifs mensuels en Belgique, contre 4,5 millions sur Instagram et 7 millions sur Facebook« , selon Xavier Degraux, consultant et formateur en réseaux sociaux. Une croissance spectaculaire, si l’on considère le jeune âge de TikTok, lancée en 2016. « Les politiques ne sont pas aveugles et leurs communicants encore moins. Ils se disent que c’est un terrain de jeu intéressant. »

Sympathique vs polémique

Elio Di Rupo, avec 132.000 followers, arrive en tête en termes d’abonnés. Si son compte a bénéficié d’une couverture médiatique particulière en tant que primo-arrivant sur la plateforme, il mise maintenant sur son capital sympathie, à travers des questions/réponses avec les internautes ou des clips qui reprennent les tendances et musiques favorisées par l’algorithme. « On mélange storytelling de l’activité gouvernementale et news hacking par rapport à l’univers TikTok », résume Nicolas Dieudonné, chargé de la communication digitale du ministre-Président. « Di Rupo alterne déclarations politiques et fragments légers qui s’adaptent parfaitement à la plateforme. On est dans une stratégie de vitrine« , analyse Nicolas Baygert, docteur (Paris-Sorbonne, UCL) et professeur de communication politique (Ihecs, ULB, Science Po Paris).

Tom Van Grieken, en troisième place du classement, opte pour une approche plus idéologique, mais toujours dans les codes de TikTok. « Il cherche l’interactivité. [Les politiciens du Vlaams Belang] incitent le spectateur à témoigner, à poster, à relayer », constate l’expert. Ainsi, lorsqu’il confie avoir eu « la boule au ventre » parce qu’il ne partageait pas les valeurs de ses professeurs, Van Grieken met en scène une forme de proximité tout en encourageant les TikTokeurs à témoigner eux-mêmes, à l’image des challenges populaires sur la plateforme.

Les extrêmes, rois des réseaux

Plutôt que de traduire une différence entre le nord et le sud du pays, ces stratégies témoigneraient de divergences entre « centristes » et « extrêmes. »

Ainsi, le PTB-PVDA arrive en tête des partis politiques les plus actifs sur TikTok. De l’autre côté, si le Vlaams Belang n’arrive qu’en sixième position, deux de ses membres recensés se trouvent dans le top 5 en termes d’abonnés.

La faute aux algorithmes qui favorisent un contenu polarisant? Pas seulement. Non seulement les partis extrêmes ont souvent été des précurseurs des réseaux sociaux faute de relais dans les médias traditionnels, ils adoptent aussi davantage une stratégie de parti. « Di Rupo sur TikTok, c’est Di Rupo. Ce n’est pas une valeur ajoutée pour le PS », résume Nicolas Baygert. « Le Vlaams Belang et le PTB-PVDA sont plus cohérents d’un point de vue organisationnel. »

Effet incertain sur le scrutin

Si le phénomène TikTok est limité, il témoignerait d’un basculement vers un modèle de politique influenceur. « Ce n’est plus tellement la formation politique ni ses valeurs qui priment, c’est la marque de la personnalité politique », estime François Heinderyckx. « Les élus deviennent des community managers: ils alimentent leur communauté de followers avec une série de productions ludiques ou sérieuses et la volonté de fidéliser un public », conclut Nicolas Baygert.

Difficile pour autant de juger de l’effet sur l’électorat. « Aux dernières élections, les jeunes ont surtout voté par rapport aux enjeux climatiques », nuance le politogue (ULB) Émilien Paulis. Il concède néanmoins qu’en Flandre, ce même public s’est davantage laissé séduire par le Vlaams Belang. « Lorsque l’on sait qu’en amont de la campagne électorale le parti a opéré une refonte de son image, notamment à travers les réseaux sociaux,  ça pose question sur les effets de ces réseaux et de leur omniprésence. »

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