Donald Trump a-t-il tué le parti républicain?

Entretien dans « Ripostes » pour La Libre Belgique, paru le vendredi 4 mars 2016.

Donald Trump n’a pas strictement tué le GOP : il l’a stérilisé, occupé comme une armée occupe une place forte avant de conquérir la citadelle républicaine. Les gens sont pris au piège. Pour les conservateurs modérés, on observe une peur existentielle car après Trump, d’autres pourraient opter pour la même stratégie.

Quelle est la position du parti républicain (GOP) par rapport à Donald Trump ? 

Donald Trump a littéralement piraté le GOP. Plutôt que de déposer une candidature indépendante – ce qu’il menace de faire si le parti ne le soutient pas – il a pratiqué une stratégie d’entrisme, une mutinerie, conquérant les structures républicaines de l’intérieur. Le GOP doit maintenant se rallier à un candidat qu’il ne soutient pas. On constate une levée de boucliers y compris chez les idéologues conservateurs et les médias (à l’instar de Fox News) traditionnellement du côté des Républicains. Mais pour éviter de se retrouver dans le camp des perdants, les élites du GOP tolèrent ce « squatteur » nuisible. Pour certains, Ted Cruz, qui représente pourtant la seconde personne la plus détestée côté républicain, constitue aujourd’hui le dernier rempart à Donald Trump. À moins d’assister au parachutage in extremis et inédit d’un Mitt Romney – candidat malheureux en 2012 – pour sauver l’honneur.

Qu’est-ce qui fait de Donald Trump un candidat atypique voire un phénomène électoral singulier ? 

Donald Trump se profile comme candidat de l’anti-establishment. Cela semble ravir une partie de l’électorat. Aujourd’hui, le clivage n’oppose plus les rouges et les bleus ; les Républicains et les Démocrates mais les tenants du système (à l’image d’Hillary Clinton) et de l’antisystème (auxquels il faut ajouter Bernie Sanders).

En outre, les propositions programmatiques d’un Donald Trump divergent avec certains fondamentaux du parti républicain. Généralement ambivalent et flou sur ses positions, un certain nombre d’éléments avancés lors des débats des primaires effraient néanmoins le GOP : un ancrage moins néolibéral, privilégiant une forme de protectionnisme. Un « conservatisme compassionnel » plébiscité par la classe moyenne blanche paupérisée, les détenteurs de petites retraites et bénéficiaires d’aides sociales – ainsi il s’oppose aux coupes budgétaires qui mettraient les plus vulnérables en danger. Il s’appuie également sur une rhétorique nationaliste en vantant « l’exceptionnalisme » américain. Avec lui, affirme-t-il, les Etats-Unis vont à nouveau gagner. Tous ceux qui l’ont précédé étaient des « losers ».

Là où il va beaucoup plus loin que quiconque, c’est dans l’outrage ou dans ses dérapages et amalgames xénophobes, qui ne passent pas auprès des élites mais contribuent, toutefois à son succès. La timide campagne de « remoralisation » menée contre lui par le GOP renforce en réalité son image antisystème voire antipolitique. Sa capacité à tyranniser la classe politique plaît à un électorat de plus en plus défiant vis-à-vis des élites.

Le ralliement traditionnel des candidats n’aura pas lieu ?

Les caciques du parti, inquiets au sujet de leur influence, commencent à se ranger derrière Donald Trump, sentant qu’ils n’ont pas le choix. Les ralliements sont le fruit de calculs personnels, comme le montre l’exemple Chris Christie. Or, ceux-ci semblent n’avoir que peu d’impact sur le candidat milliardaire, ce dernier n’hésitant pas à les mépriser voire à les humilier publiquement. Il faut toutefois s’attendre à ce que Trump mette de l’eau dans son vin, et recentre son discours une fois le processus des primaires terminé, favorisant les positions radicales.

Marco Rubio a déclaré que la nomination de D. Trump « signifierait la fin du Parti républicain ». Est-ce déjà le cas ?

Il n’a pas strictement tué le GOP : il l’a stérilisé, occupé comme une armée occupe une place forte avant de conquérir la citadelle républicaine. Les gens sont pris au piège. Pour les conservateurs modérés, on observe une peur existentielle car après Trump, d’autres pourraient opter pour la même stratégie. Le parti s’est trompé : il pensait que Donald Trump allait rapidement s’effondrer alors qu’au contraire, c’est le processus des primaires ouvertes, qui a finalement été « trumpisé » se transformant en show politique où les mauvais « performers » n’ont dorénavant plus leur place. Il a en quelque sorte piraté le logiciel du parti et le jeu politique tout entier.

Ne vaudrait-il mieux pas, pour la survie du GOP, que Donald Trump se pose en candidat indépendant ?

Oui, mais cela signifierait qu’avec lui, une partie de l’électorat s’en irait, offrant mathématiquement la victoire à Hillary Clinton. Le parti préfère donc pour l’instant consentir aux lubies d’un Donald Trump pour demeurer dans le camp des gagnants. Mais si Donald Trump gagne, c’est une révolution démocratique qui se présage, dans laquelle les élites du parti devront se contenter de miettes

Propos recueillis par Valentine Van Vyve

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