Une grande alliance populiste va-t-elle bientôt voir le jour ? Pas si sûr…

Entretien (téléphonique) pour le magazine Moustique paru le 8 avril 2019. Propos recueillis par Martin Monserez.

Matteo Salvini, le président de la Ligue du Nord italienne, appelle toutes les formations de droite populiste à se joindre à lui pour bousculer l’échiquier politique au sein du Parlement européen. Le scénario n’est pas impossible. Marine Le Pen en rêve aussi…

« Nous voulons changer radicalement cette Europe, avec le bon sens et le goût du concret que nous sommes en train de démontrer en Italie. [J’appelle] toutes les forces politiques qui partagent notre vision et un objectif commun: une Europe qui donne la priorité aux peuples et non aux bureaucrates, aux banquiers, aux bien-pensants et aux bateaux [de migrants clandestins]. »

 

Matteo Salvini, l’homme fort du gouvernement italien et patron de la Ligue du Nord (parti d’extrême droite de la péninsule), a lancé ce lundi un appel à une alliance des nationalistes en vue des élections européennes de mai. Un grand meeting est annoncé précisément pour le mois de mai. Aujourd’hui pourtant, seuls les Allemands de l’AfD, les « Vrais finlandais » et le « Parti populaire danois » étaient présents dans l’hôtel de luxe de Milan où avait lieu sa conférence de presse.

On notera les absences – remarquées – du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, mais aussi Droit et Justice, le parti conservateur et eurosceptique au pouvoir en Pologne, ou encore du Fidesz de Viktor Orbàn. La non-présence de ce dernier est toutefois « logique », étant donné que le parti du Premier ministre hongrois est membre du PPE (Parti populaire européen) au sein du Parlement – même si les conservateurs européens ont suspendu il y a quelques semaines le Fidesz de leur groupe. Mais concernant les autres, en particulier le RN, l’explication est plus complexe…

Une place pour deux

Dans l’assemblée européenne sortante, les « souverainistes » – nouvelle façon plus « jolie » de dire « nationalistes » -sont disséminés au sein de quatre entités différentes : le PPE, le CRE(Conservateurs et réformistes européens), mais surtout l’ENL (Europe des nations et des libertés) et l’EFD (Europe de la liberté et de la démocratie directe)… La Ligue du Nord italienne et le RN français sont membres de l’ENL, tandis que les invités finlandais et danois de Salvini appartiennent au CRE. Le rêve du vice-président du conseil italien serait d’unir ces forces disparates en une « internationale des nationalistes ». Il espère rassembler jusqu’à une vingtaine de partis dans sa nouvelle alliance.

Matteo Salvini a déjà rencontré à plusieurs reprises Marine Le Pen, qui a longtemps été son modèle. Mais en réalité, les deux personnalités se disputent le leadership de l’extrême droite européenne… La dirigeante du RN tente elle aussi de nouer de nouvelles alliances avec des partis nationalistes et va se rendre tour à tour dans les prochaines semaines en République tchèque et en Slovaquie, mais aussi chez nous où elle s’entretiendra avec ses amis de longue date du Vlaams Belang.

Si l’idée d’une alliance paraîtrait plausible sur papier, dans les faits, c’est une toute autre chose. Et ce n’est pas non plus qu’une question d’ego comme l’explique Nicolas Baygert, professeur de communication politique à l’IHECS et à l’ULB. « Même si les médias ont tendance à catégoriser toutes ces formations politiques sous une même bannière d’extrême droite, il existe des différences de fond. À commencer par la question de l’euroscepticisme. Certains partis veulent quitter l’UE, d’autres veulent la changer de l’intérieur pour reconfigurer le système. C’est notamment le cas du RN qui, depuis les élections présidentielles et le départ de son ancien numéro 2 Florian Phillipot, a changé son fusil d’épaule. Contrairement à la Ligue du Nord de Salvini qui prône une ligne beaucoup plus dure avec l’UE. »

Une carte à jouer

Le souverainisme diffère dans chaque pays en fonction des réalités politiques, historiques et géographiques qui lui sont propres. Les questions posées par l’immigration ne sont pas les mêmes en Allemagne qu’en Italie et ne sont pas primordiales en Pologne où le rapport à la Russie est un enjeu majeur… Si les partis d’extrême droite ont des préoccupations communes (rejet d’un Islam politique, du multiculturalisme,…), elles n’ont pas de réel projet commun.

« Cela dit, Matteo Salvini a prouvé en Italie qu’il était capable, sur le plan national, de nouer des alliances entre des partis aux lignes divergentes« , remarque Nicolas Baygert. « Dans sa capacité à jouer tactique, il possède une intelligence stratégique qui laisse présager que ce type d’alliance européenne est possible. On n’est pas face à une incompatibilité absolue. Salvini reste un pragmatique qui peut mettre de l’eau dans son vin pour atteindre ses objectifs. Dans ce cas-ci faire bloc et constituer une des forces principales au sein du parlement européen. Il va chercher à aplanir les différences plutôt qu’imposer sa vision. »

Le spécialiste politique l’affirme : l’heure est à la recomposition du paysage partisan européens. La défiance de la population envers les partis traditionnels et les institutions européennes est toujours – et plus que jamais – d’actualité. Les partis souverainistes ont une carte à jouer… « Qui parmi les électeurs connaît les candidats des partis traditionnels qui se présentent aux élections? Marine Le Pen, Matteo Salvini, Viktor Orbàn… Ils jouissent tous une d’une aura à l’échelle du continent. Leurs formations sont en tête des sondages dans leurs pays respectifs. On ne peut pas prophétiser un raz-de-marée souverainiste aux élections, mais ces partis vont certainement se maintenir. Parviendront-ils à se fédérer pour véritablement peser au sein du Parlement européen face aux autres groupes affaiblis comme le souhaite Salvini ? C’est toute la question.« 

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