Interview parue dans l’Echo le 6 juin 2019. Propos recueillis par Simon Souris.
Les humanistes, qui ont enregistré un net recul électoral le 26 mai dernier, ont choisi de faire un pas de côté à tous les niveaux de pouvoir. Objectif? La refonte du parti.
Il y a cinq ans jour pour jour, le 5 juin 2014, le cdH coupait l’herbe sous le pied du MR sur invitation d’Elio Di Rupo, en montant à bord des gouvernements wallon, puis bruxellois et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, aux côtés du Parti socialiste. Il emportait ainsi avec lui le doux rêve que chérissaient alors les libéraux de revenir à des niveaux de pouvoir perdus depuis 2004.
Ce mercredi, le haut commandement du parti centriste a réitéré cette prise en main de son destin. Sauf que cette fois, la volonté est tout inverse. L’heure n’est plus au croche-patte à la droite pour monter dans quelque gouvernement que ce soit, mais bien au pas de côté pur et simple. En rebattant les cartes au passage du monde politique alentours.
Au terme d’un bureau politique qui se tenait rue des Deux Églises en matinée, la formation a opté pour l’opposition à tous les niveaux, du fédéral au régional, en passant par la Communauté française, annonçait à la mi-journée depuis son QG Maxime Prévot, président du parti.
Pas le choix, car « malgré notre travail constant, cohérent et acharné au sein des exécutifs dans lesquels nous fûmes investis, les électeurs nous ont adressé un signal très clair le 26 mai dernier. Un signal de sanction qui dit que les Bruxellois et les Wallons ne sont pas demandeurs que le cdH continue d’assumer des responsabilités. » C’est dit.
Et ce n’est pas courant souligne Nicolas Baygert, chercheur et professeur en communication politique à l’ULB et l’Ihecs. « Il est rare qu’un parti belge prenne ainsi acte de sa défaite électorale, signal des électeurs comme il le dit, et consente volontairement à s’administrer une cure d’opposition. » Pour le spécialiste, ce choix de repli stratégique est loin des pratiques « huîtrières » de certains de ses adversaires « s’accrochant généralement au pouvoir à travers des attelages bigarrés, des ‘coalitions de perdants’ suite à des négociations byzantines – faisant ainsi fi des résultats des urnes –misant sur l’usure et la résilience de l’opinion publique et, en premier lieu, de l’électeur qui d’abord potentiellement trahi se sentira à terme lassé par de longues séquences de formation à huis clos, auxquelles il n’est évidemment pas convié. Ici, l’abnégation sacrificielle du cdH renoue avec une morale politique plutôt inédite« , analyse-t-il.
Se retrouver
Qu’attendre désormais? Vers quoi le parti se dirige-t-il? La réponse est simple, même si le chemin pour y arriver est, lui, complexe: l’heure est à une nécessaire réinvention pour les démocrates-humanistes qui, à une époque qui semble désormais bien lointaine, faisaient encore la pluie et le beau temps en politique. Un travail qui devra être opéré « avec lucidité et détermination« , martèle le numéro un du parti, et ce « en associant un maximum de générations et de regards extérieurs« . Sur ce point, le timing est particulièrement propice, les Joëlle Milquet et autres Francis Delpérée ayant remisé le tablier tout récemment.
Après tout, les temps ont déjà été plus joyeux. Dans les faits, le cdH a enregistré un net recul suite au triple scrutin du 26 mai dernier, avec une perte d’un total de 10 sièges à la Chambre (-4), au Parlement wallon (-3) et au Parlement bruxellois (-3). De quoi lui rappeler que rien n’est acquis. Pour autant, Maxime Prévot se dit confiant quant à l’exercice qui l’attend: « L’hiver se transforme toujours en printemps. Une ère nouvelle s’ouvre. »
En coulisse, il se dit que cette décision a été accueillie « avec sérénité » dans ses rangs. Car « à un certain moment, il faut être lucide. On a perdu les élections. » Puis, il y a eu cette période d’une dizaine de jours qui a permis de se laisser le temps de la réflexion « après la déception et l’émotion« . Et a amené à abandonner la stratégie de dire « soit on est partout, soit on est nulle part », notamment suite aux conclusions tirées des rencontres avec les duos en charge des négociations au Fédéral et aux Régions. En effet, à quoi bon servir de parti d’appoint à des forces politiques plus puissantes au sud, par exemple, quand les finances sont loin d’être au beau fixe et que le PS risque de jouer la surenchère dans le cas où il n’embarquerait pas avec lui le PTB.
Attention à l’oubli
Reste à savoir si une cure d’opposition peut vraiment permettre au parti de se régénérer et de continuer à exister à terme – un exercice qui devrait se dérouler durant l’été, peut-être même avec l’aide d’observateurs extérieurs. En tout cas, « il lui faudra veiller à ce que cette phase de reconstruction ne se solde pas par un oubli, voire une évaporation de l’offre politique humaniste tout court« , analyse Nicolas Baygert.
Interrogé sur ce point, le parti balaie l’hypothèse. Quand bien même, il n’avait pas le choix. C’était changer ou mourir. « La particratie a vécu« , assène un visage bien connu chez les centristes. L’heure est donc à l’après. Il se murmure que des exemples étrangers pourraient inspirer la ligne future du parti. Pourquoi pas même La République en marche (LREM) d’Emmanuel Macron.
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