Interview parue dans L’Echo, le 13 janvier 2020. Propos recueillis par Sophie Leroy.
« Il fera beau demain », promet le cdH, qui lance un mégachantier de réflexion sur le mode participatif. Bonne stratégie?
Le cdH va changer de nom. Encore? Le parti actuel, bâti sur les cendres du PSC, a 18 ans mais au lendemain des élections de mai, il avait montré sa petite santé. Il sera donc remplacé d’ici une année, le temps que le successeur soit formé, et peut-être par un « mouvement » plutôt que par un nouveau parti au sens traditionnel.On le savait.
Mais ce week-end, on a appris que le processus de 12 mois de gestation s’appellera « Il fera beau demain ». Ce slogan n’a pas été inventé pour faire de la politique. C’est d’ailleurs le nom d’un magasin de cadeaux bien connu à Namur. Comment la phrase s’est-elle retrouvée à illustrer le travail de réflexion du cdH?
La boutique namuroise
Fanny Charpentier, la porte-parole du parti, nous explique que c’est au sortir d’une réunion que le photographe a fait poser la troupe devant cette devanture typique du vieux Namur. Et le président, Maxime Prévot, a alors « tilté » sur l’enseigne. « Un vrai coup de foudre! » Alors que depuis de semaines, des militants, en atelier participatif, planchaient sur le sujet… « Il y avait un consensus sur l’esprit du changement: incarner l’espoir, apporter des solutions concrètes… Mais on patinait pour le nom. »
On observe un champ lexical 100% optimiste censé couper l’accès aux pensées négatives.
Alors, le hasard a-t-il bien fait les choses? Sur les réseaux sociaux, ça rigole pas mal, ça parle météo, surtout. Mais que nous dit l’expert? Pour Nicolas Baygert, docteur en sciences de l’information et de la communication, professeur à l’ULB, à l’Ihecs et à Sciences Po Paris, le cdH propose ici « un plan de communication relevant de l’automotivation et de la pensée positive. Une technique souvent encouragée dans le développement personnel ou pour lutter contre l’angoisse ou la dépression. On observe un champ lexical 100% optimiste censé couper l’accès aux pensées négatives. »
Ce slogan sous-tend donc tout un procédé de réflexion. « On organise la refondation avec un réseau de 70 collaborateurs sur le terrain », détaille Fanny Charpentier. Des idées qui vont émerger lors de ces débats, il va falloir en faire quelque chose. Le cdH s’est donc entouré de deux sociétés. Pas d’une simple boîte de communication — « On ne veut pas d’un changement cosmétique, juste basé sur le nom et la couleur! », précise la porte-parole.
Deux soutiens
Pour épauler le cdH, la boîte Cap collectif planche sur les outils techniques, comme la plateforme permettant le débat en ligne. Dreamocracy propose les méthodes d’animation qui susciteront les idées, comme l’organisation de « rêves parties ».
« Il faut désormais veiller à ce que cette posture communicationnelle enthousiaste ne se transforme en méthode Coué voire en vœu pieux – éludant les réels enjeux liés au positionnement stratégique de cette formation centriste – dans un centre d’ores et déjà embouteillé », met en garde Nicolas Baygert, qui rappelle qu’en 2017, le MR avait lancé le slogan du même jus, « Je suis pour – Être positif, ça change », »par rapport aux autres partis qui se positionnaient agressivement contre sa politique ».
Les dangers de ce type de programme? Le spécialiste de la communication politique en voit 3:
- Les injonctions liées à cette pensée positive. La répétition en boucle des messages positifs pour se soustraire à la réalité politique;
- L’obligation de bonne « humeur » niant d’éventuels conflits internes larvés;
- L’illusion d’influence (l’idée qu’on peut changer le cours des choses avec des mots d’ordre) sans aggiornamento doctrinal. « Un écueil qui semble ici évité, le cdH se cherchant des « nouvelles utopies ».
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