Interview pour 7sur7.be parue le 5 octobre 2020. Propos recueillis par Anthony Marcou.
Secoué par une violente tempête depuis jeudi dernier et l’annonce du casting ministériel polémique, le MR devrait annoncer un lifting à la tête du parti dans les prochaines heures. L’hypothèse la plus probable? Un “encadrement” du leader Georges-Louis Bouchez et une présidence plus collégiale. Pour épauler le Montois au sommet de la hiérarchie, on pourrait retrouver Sophie Wilmès et trois autres barons, comme Willy Borsus, par exemple. “Les statuts en vigueur au MR ne permettent pas la destitution du président et il faut trouver une alternative rapidement”, rappelle Nicolas Baygert, professeur de communication politique à l’IHECS et à Sciences Po Paris.
Un encadrement du président Georges-Louis Bouchez à la tête du MR, est-ce une bonne solution pour éteindre l’incendie qui ravage la maison bleue depuis plusieurs jours?
Au vu des statuts du MR, il ne peut pas être destitué et Georges-Louis Bouchez ne souhaite visiblement pas démissionner. Il faut donc trouver une solution alternative et la marge de manœuvre est assez réduite. Le choix de l’encadrement, vers lequel on semble se diriger, c’est une manière de calmer les esprits. Le MR a tout intérêt à capitaliser sur l’image positive de Sophie Wilmès, qui sera visiblement appelée à épauler son président. Le parti a beaucoup à y gagner en la plaçant en haut de la pyramide. C’est moins le cas pour l’ancienne Première ministre dont le capital sympathie est déjà établi. Elle n’a pas trop d’intérêt à prendre ce genre de responsabilités au sein du MR.
Georges-Louis Bouchez a-t-il intérêt à s’inscrire dans cette formule qui peut être assimilée à un “chaperonnage”?
C’est clair, en termes d’amour-propre, cela ne doit pas être facile à vivre. Mais au final, il conserve le titre de président du MR et c’est l’essentiel pour lui. C’est également ce que le grand public retiendra. La manière dont les décisions sont prises au sein du parti, c’est de la cosmétique, la population s’en fiche.
Doit-il présenter des excuses pour le couac du casting ministériel et le jeu de chaises musicales loupé?
Oui. C’est évident, des erreurs ont été commises et en communication de crise, il y a toujours un moment prévu pour les excuses. Mais un mea culpa au sein du parti suffit, à mon sens. Des excuses publiques, cela serait probablement exagéré. Ce qui s’est passé avec le casting ministériel, cela relève de la cuisine interne au MR. Le message à faire passer, c’est qu’il a compris la leçon et que davantage de coups de fil seront passés à l’avenir à l’heure de prendre une décision.
Mais je suis sceptique quant à un réel changement. On le voit mal afficher une fausse modestie qui ne colle pas à son personnage et rentrer doucement dans le rang. Dès sa prise de fonction comme président, il a imposé un rôle de leadership pro-actif calqué sur son modèle Nicolas Sarkozy. Il a voulu transformer le MR en UMP de l’époque de Sarkozy, le façonner comme une plateforme de soutien au service de l’action du président. Cela tranche avec la culture du MR où les barons occupent une place importante. Cette manière de voir les choses est inhérente à sa personnalité. C’est compliqué de changer quelqu’un du jour au lendemain.
Depuis le début de la tornade, Georges-Louis Bouchez a opté pour le “no comment”, se contentant principalement de partager des messages de soutien sur les réseaux sociaux. Comment expliquer ce silence?
À partir du moment où vous ne communiquez pas, ce sont les autres qui imposent le cadre d’interprétation, et il est souvent négatif. Le champ est libre pour les adversaires et ils ont tout le loisir de mener la fronde comme ils l’entendent. C’est surprenant venant de sa part. D’ordinaire, il s’attelle à anticiper pour éviter cela. Comment expliquer le silence actuel? Ici, on n’est peut-être plus trop dans la communication politique, mais davantage dans la dimension psychologique. Peut-être qu’il s’est vraiment senti “isolé”. Il encaisse bien les coups, mais peut-être que cette fois, c’était trop.
L’emballement médiatique depuis plusieurs jours est-il logique et proportionné en regard des événements? Ou Georges-Louis Bouchez paie-t-il en partie sa personnalité souvent jugée clivante?
Depuis jeudi, le traitement médiatique est justifié au vu de ce qui s’est passé. Mais de manière générale, on tape peut-être plus fort sur lui. Ce n’est pas illogique dans la mesure, où c’est vrai, c’est une personnalité clivante. À l’instar de Didier Reynders à l’époque, il est souvent perçu comme quelqu’un d’arrogant et cela est assimilé à un délit en Belgique. Ce type de personnalité n’est pas adapté au biotope de la politique belge.
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