Entretien donné pour 7sur7.be publié le 9 avril 2022. Propos recueillis par Tom Coninx.
La France est appelée aux urnes dimanche pour le premier tour d’une présidentielle qui devrait rééditer le duel de 2017 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. L’opposition est annoncée depuis des mois dans les médias. À tort? Le scrutin est-il réellement cousu de fil blanc ou peut-on s’attendre à des surprises? Confortablement installé dans son fauteuil d’outsider, Jean-Luc Mélenchon espère toujours rallier le second tour. “Ça n’aura pas lieu, ça, Macron-Le Pen”, a récemment estimé le candidat de la France insoumise. Ambition légitime ou utopie non dissimulée? Focus.
“Je pense que j’ai une très sérieuse probabilité d’y arriver et que M. Macron ferait bien de se demander s’il est réellement certain qu’il va s’y trouver. Regardez les courbes. » Cette sortie sentie de Jean-Luc Mélenchon lors de son dernier grand meeting de campagne prendra-t-elle l’allure d’une prophétie dans les prochaines heures? Ce scénario n’est pas le plus probable, mais il ne paraît pas (plus) inimaginable. Dans un passé pas très lointain, rien ni personne ne semblait pouvoir perturber le match annoncé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
“Les médias ont presque pré-écrit le scénario de cette présidentielle en misant sur ce duo, le même qu’en 2017. Mais il existe un sentiment de rejet du gouvernement et surtout du président. Il ne faut pas non plus oublier que Marine Le Pen a déçu son électorat en 2017. Une grande partie de la population ne veut ni de Macron ni de Le Pen”, entame Nicolas Baygert, professeur de communication politique à l’Ihecs et à Sciences Po Paris.
La hype Zemmour n’a pas tenu
“L’unique candidature détonante, celle d’Eric Zemmour, a rabattu les cartes à droite et à l’extrême droite. Il a longtemps été positionné en candidat miroir face à Le Pen. Mais ces dernières semaines, notamment en raison de la guerre en Russie, il a perdu de sa hype initiale”, poursuit le docteur en sciences de l’information.
À droite, seule Marine Le Pen semble donc pouvoir détrôner l’actuel président. Largement battue en 2017 par son adversaire, qui l’avait écrasée lors d’un débat d’entre-deux-tours, elle a réussi à banaliser l’extrême droite et pourrait devenir la première présidente française le 24 avril prochain.
Distancée par Emmanuel Macron, il y a quelques mois dans les sondages, elle a refait tout son retard ou presque dans les derniers jours de la campagne. “La dynamique en faveur de Marine Le Pen n’a jamais été aussi puissante. Un espoir se lève. Ne dispersez pas vos voix”, s’est réjoui le président par intérim de son parti, Jordan Bardella, en début de semaine.
Un réservoir inédit pour l’extrême droite?
“Quelqu’un qui se prononce maintenant pour Zemmour, Pécresse, voire même pour Mélenchon pourrait considérer Marine Le Pen comme l’alternative. Il pourrait y avoir un report de voix vers elle et des surprises”, estime Nicolas Baygert. “Pour la première fois de l’histoire, on pourrait avoir un représentant du Front National (NDLR: désormais Rassemblement national) qui disposerait d’un réel réservoir de voix provenant d’ailleurs pour apparaître plus fort au second tour.”
Mélenchon, seul à gauche
À l’opposé sur l’échiquier, Jean-Luc Mélenchon ambitionne toujours une place au second tour. “Le vote utile à gauche pourrait lui être favorable. Il a toujours incarné une forme de rupture et apparaissait comme une alternative très radicale. Mais désormais, une partie de l’électorat de centre-gauche, des sociaux-démocrates se disent ‘c’est peut-être le candidat de gauche qu’il nous faut pour le moment et on va composer avec ses excès’. Anne Hidalgo et Yannick Jadot ne sont pas parvenus à rallier les forces d’extrême gauche et de centre-gauche.” Jean-Luc Mélenchon pourrait réussir là où les autres ont échoué.
Sa présence au second tour est la seule surprise possible, estime Nicolas Baygert qui n’exclut pas un “match inédit des offres radicales”, soit un affrontement entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. “Le contexte géopolitique et le désintérêt des Français pour l’élection présidentielle sont de nature à accentuer l’incertitude.”
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