Elio l' »ambianceur » ou l’art du storytelling gouvernemental

J’ai eu l’opportunité, ce lundi 3 décembre, de pouvoir brièvement m’exprimer sur La Première (RTBF Radio) sur la conférence de presse du Gouvernement fédéral marquant son second anniversaire.

Ci-dessous quelques éléments de synthèse additionnels :

1)   La conférence de presse comme exercice de storytelling gouvernemental. Objectif du dispositif communicationnel : alimenter le récit résolument optimiste narré par l’équipe Di Rupo depuis quelques mois. Pour rappel, cet été déjà, le Premier ministre inondait les réseaux de slogans  et d’infographies victorieuses : « Depuis fin 2011, le gouvernement travaille d’arrache-pied, avec des résultats ».

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Le Premier ministre affectionne les symboles – les deux bougies de l’attelage Di Rupo offrent donc l’occasion d’alimenter les médias de formules prédéfinies – une titraille en kit à quelques minutes des JT de 13h00 : « la Belgique en crise fait place à la Belgique en confiance ». Le ton est à l’autocélébration assumée – non sans une dose de modestie (nécessaire), soulignant un travail inachevé (et pouvant éventuellement être complétée lors d’un second mandat).

Le Plan comm est déroulé en toute transparence ; les slogans martelés par le Premier sont illustrés en direct sur Twitter tel un chapelet de success stories. Des résultats et des chiffres viennent ici nourrir un bilan en continu. L’occasion de rappeler un truisme : une élection ne se gagne pas au regard d’un bilan mais bien d’un projet séduisant. L’équipe Di Rupo choisit dès lors de distiller son bilan de manière anticipée tout en se réservant une marge de progression pour l’avenir.

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2)   Un travail d’équipe. La conférence de presse fut l’occasion d’observer un gouvernement en campagne. L’introduction du primus inter pares se voit corroborée et réaffirmée par ses Vice-premiers prenant successivement la parole. Une « équipe forte et soudée » dixit Joëlle Milquet (CDH), qui remerciera au passage le Premier ministre pour son coaching concluant. Fidèle au style Di Rupo, elle illustrera également l’action du Gouvernement par 5 verbes : « Pacifier, assainir, relancer, réformer, sécuriser ».  On notera aussi le recours presque exclusif aux prénoms, soulignant là encore la proximité et l’entente affichée : « c’est ce que Melchior a pu faire; l’action de John; le bilan de Maggie etc. »

3)    Elio l’« ambianceur » (en référence à la société des ambianceurs et des personnes élégantes, ou SAPE). Au cours de ces deux années au gouvernement, Elio Di Rupo, Premier providentiel et dispensateur de bonnes nouvelles en chef, s’est attelé à la création d’une atmosphère positive afin de pacifier et noyer tout conflit potentiel au sein de son équipe. Vice-roi, profil davantage présidentiel, le but étant à chaque fois de s’élever au-dessus de réalités partisanes, de laisser ses ministres communiquer sur les dossiers – ces derniers jouant tantôt le rôle de pare-chocs, tantôt celui de flingueurs, optant pour une ligne plus dure face aux caméras.

En parallèle, Elio Di Rupo se fond avec succès dans le folklore belge (abdication d’Albert II, Diables Rouges, etc. – seul politique ayant réellement compris l’intérêt de capitaliser sur ces différents phénomènes populaires), multipliant les joyeuses entrées à l’instar de Philippe et Mathilde (Université de Gand, UCL, etc.) et investissant les plateformes numériques (publiant ses « photos préférées 2013 » sur Instagram et apparaissant sur d’autres clichés au côtés de citoyens lambda – proximité oblige).

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4)   Une comm’ en pilote automatique. Le Gouvernement communique en l’absence de contradicteurs audibles, voire d’une opposition démocratique traditionnelle. La N-VA demeure en effet politiquement inaudible de par la nature exceptionnelle de ses ambitions – un discours antithétique, opposé par essence à toute action gouvernementale au niveau fédéral. L’horizon confédéral prôné par Bart De Wever préserve et maintient par conséquent l’équipe Di Rupo comme « unique alternative » dans le contexte d’une Belgique fédérale.

On notera aussi que du côté francophone, les quatre principaux partis étant aux commandes à différents niveaux de pouvoir,  le FDF demeure relativement isolé dans les bancs de l’opposition pure et dure. Quant aux « petits partis » (PTB, PP, etc.), l’ostracisme médiatique pousse ces formations à multiplier les « coups de comm’ » ou le ralliement de personnalités cathodiques pour se hisser sous les projecteurs et bénéficier d’une tribune. Le récit officiel peut donc se dérouler sans accrocs. Place à la parole performative et l’hagiographie ready-made.

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