Divorce de Brad Pitt et d’Angelina Jolie: «C’est la mort d’une marque»

Entretien dans Le Soir, publié le 21 septembre 2016. RIP Bran(d)gelina.

L’explosion hypermédiatisée du couple « Brangelina » montre à quel point les people ont pris du poids dans les médias et le débat public, analyse Nicolas Baygert, professeur de communication à l’ULB et à l’IHECS

Comment expliquez-vous l’engouement médiatique généralisé autour du divorce du couple « Brangelina » ?

La mise en avant de cette information people, y compris dans les pages « Société » des journaux est le signe d’un mélange des genres. Aujourd’hui, il n’y a plus de sélection, voire de hiérarchisation des thèmes traités par un média. Petit à petit, la rubrique « people » disparaît et se mêle à une information dite « sérieuse ». On notera que la vie des politiques n’occupe plus une place spécifique dans l’actualité mais se mélange avec celle des stars. Du côté des journalistes, mais aussi du grand public, la différence entre divertissement et information n’est plus claire. Il y a une contamination de l’information par le divertissement. Tout a désormais la même importance.

Même les personnes qui détestent l’info people sont au courant de divorce. Pourquoi ?

Ça s’impose à nous, à l’actualité. Il y a eu un tel battage médiatique autour de ce couple, y compris de la part de la presse la plus sérieuse, que nous ne pouvons pas passer à côté de ce divorce. Le matraquage permanent de l’info people en est la cause. Les célébrités ont pris de l’importance dans le débat public. Ils s’invitent même dans les questions politiques, ce qui amène les médias à parler encore plus d’eux. Cela fait partie de cette surmédiatisation permanente, qui est accélérée et amplifié par les réseaux sociaux.

Pourquoi ce couple constitue le sujet le plus discuté actuellement sur Twitter ?

Aujourd’hui des médias comme Twitter mondialisent et globalisent l’information people. Il s’en dégage une sorte de constellation de personnalités qui relève d’un star-system mondial. A leur tête, figurent Brad Pitt et Angelina Jolie : ils figurent parmi les personnages publics les plus médiatisés et cela dure depuis de longues années. Leur couple et même leur famille ont une identité propre. Les enfants sont déjà entrés dans ce « star-system » car ils sont médiatisés depuis leur naissance.

« Brangelina », contraction de Brad et Angelina, est même devenu une marque…

Effectivement. Et aujourd’hui, c’est la mort d’une marque. Le fait que ce soit une entité presque fusionnelle, montre une professionnalisation médiatique. C’est particulier, parce que même s’ils avaient tous les deux leur image propre avant leur couple, ils ont fait de celui-ci une nouvelle identité qui est devenu un objet médiatique. Chacun des deux s’efface en tant qu’individu, en tant que star hollywoodienne, pour se fondre dans cette entité performante. Les gens ont vu ce couple comme un modèle, car plutôt que de véhiculer des problèmes ou des déboires, leur identité, issue d’une sorte de pacte, était celle un binôme qui fonctionnait bien et qui était fortement idéalisé.

Et pourquoi les gens idéalisent ce couple ?

D’une part à cause du matraquage médiatique accentué par la mise en boucle de la vie des people sur les réseaux sociaux. D’autre part, par la tendance à l’uniformisation du traitement médiatique, en télévision ou en écrit. Ceci dit, nous avons tendance à vivre le « star-system » par procuration. Une certaine tranche de la population a même une fascination pour cette vie hors du commun. Les people donnent l’impression d’un conte de fée moderne. Une star comme Brad Pitt, dans le circuit depuis longtemps, attire des personnes en mal de féerie et de merveilleux. Avant, c’étaient les familles royales qui suscitaient ce genre d’engouement. Maintenant, ce sont les people qui se sont élevés à ce rang-là. Avec leur divorce, Brad Pitt et Angelina Jolie donnent l’impression qu’un couple royal se sépare, alors qu’ils n’ont de pouvoir que leur notoriété et leur vie médiatisée.