Interview croisée pour La Libre Belgique, parue le
Ce dimanche, la Belgique – et plus particulièrement la Flandre – a été submergée par une « vague brune« . Le Vlaams Belang est sorti grand vainqueur du méga scrutin de ce 26 mai. Décrochant 23 sièges au Parlement flamand et 18 à la Chambre, le parti d’extrême droite fait l’objet de toutes les attentions alors que la plupart des partis s’activent dans l’espoir de former des coalitions dans lesquelles le Belang ne figurerait pas.
Mais presque aussi commentée que le score du parti, l’allure de nombre de ses membres – costume taillé sur mesure, pantalon retroussé, grosse montre, coupe de cheveux impeccable… – a fait réagir sur les réseaux sociaux. Tirée à quatre épingles, la nouvelle garde du Vlaams Belang – dont font partie son président, Tom van Grieken, et le fondateur du mouvement de « droite dure » Schild en Vrienden, Dries Van Langenhove – a adopté une allure de parfaits gentlemen. Mais ce qui apparaît presque comme un uniforme au sein du parti flamand a des échos dans les autres formations européennes d’extrême droite. Thierry Baudet aux Pays-Bas, Jordan Bardella en France et le controversé Sebastian Kurz en Autriche sont autant de personnalités extrémistes qui ont adopté ce style particulier.
Pour Nicolas Baygert, professeur de communication à l’ULB et à l’Ihecs, cela participe à un mouvement général de réédification de la communication non-verbale. « On constate de plus en plus d’éléments de communication non-verbale tels que des attributs vestimentaires adoptés par les politiques, comme le bleu des macronistes ou le look des écologistes, détaille Nicolas Baygert. Ces traits particuliers se rapportent à une certaine vision du monde« .
Le spécialiste de la communication estime que Dries Van Langenhove a joué un rôle important dans ce changement d’image du Vlaams Belang. « Dans les injonctions propres à Schild en Vrienden, il existe un rapport à l’apparence soignée et tirée à quatre épingles du gendre nationaliste idéal« , explique le professeur. Le groupe accorde en effet une importance toute particulière non seulement au style vestimentaire mais également au physique qui doit être « athlétique« . « On ne peut pas être de droite et obèse« , avait ainsi déclaré le leader de Schild en Vrienden dans un documentaire consacré à son mouvement.
Mais si l’arrivée du leader du mouvement de droite dur au Vlaams Belang a suscité ce changement d’apparence, il n’a pas réussi pour autant à convertir tout le monde. Les membres du parti d’extrême droite plus anciens n’ont pas forcément suivi le mouvement. Touchant principalement donc la nouvelle génération, ce souci d’une allure impeccable relève avant tout d’une « volonté d’incarner l’identité flamande et un retour à des valeurs conservatrices« , souligne Nicolas Baygert. L’allure débraillée, quant à elle, illustrerait en quelque sorte le déclin actuel de la société que le parti cherche à combattre. « Mais il est également question de se démarquer des jeunes engagés à gauche (‘les rats de gauche’ comme l’a dit le VB). Il y a du politique dans la cosmétique du Vlaams Belang« .
Pour Walter Weyns, professeur de sociologie à l’Université d’Anvers, au-delà de vouloir se différencier, le Vlaams Belang cherche aussi à être « reconnaissable » et à « plaire« . « Le costard est parfait pour cela, explique-t-il dans une interview à De Morgen. Ils portent les habits que revêtirait un vendeur de voitures pour inspirer la confiance aux acheteurs« . Selon le professeur, cette apparence très épurée a un autre avantage pour le Belang: celui d’adoucir le message qu’il souhaite passer. « Si vous avez un discours que vos opposants caractérisent souvent de sale ou d’obscur, il est important de le tenir en faisant bonne figure à la lumière du jour, détaille le professeur. Des propos extrêmes seront moins bien accueillis s’ils viennent d’une personne à l’allure débraillée« .
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