Entretien paru dans Paris Match, le 26 octobre 2018. Propos recueillis par Julie Capelle.
Après le retrait des négociations par le PTB à Molenbeek et à Charleroi, le PS a inondé ses réseaux sociaux d’une campagne aux slogans presque grotesques attaquant le parti d’idéologie marxiste. Pourtant, elle est efficace. Décryptage de la stratégie avec Nicolas Baygert, chercheur et enseignant à l’IHECS, l’ULB et Sciences Po Paris.

Les premiers résultats des élections communales à peine tombés ce 14 octobre, une chose s’annonçait avec certitude : les négociations pour former les majorités allaient être houleuses. Depuis, les yeux étaient rivés sur les communes où le PS et le PTB avaient récolté le plus de voix. Au lendemain de l’annonce de la rupture des négociations PTB – PS à Molenbeek et Charleroi, le parti socialiste a inondé ses réseaux d’une vidéo montrant un ballon se dégonflant, dépeignant un PTB « lâche » abandonnant ses électeurs, en écho aux déclarations médiatiques des têtes de listes du parti. Une attaque virulente et simpliste qui sera dans aucun doute dommageable dans les communes où des négociations sont encore en cours entre les deux partis de gauche. Quel est le but de la manoeuvre ? Décryptage avec Nicolas Baygert.
La stratégie du « framing »
Aujourd’hui en communication politique, il est fréquent de rebondir immédiatement sur un fait d’actualité. Et c’est précisément ce qu’a fait le PS dans cette campagne. « Après les élections, le PTB se dégonfle et refuse de gouverner » dit la vidéo partagée par le parti socialiste sur les réseaux sociaux. Le montage est low-cost, le message simpliste, assertif et radical. Mais la vidéo a déjà été vue 124 mille fois. Cette stratégie est bien connue, explique Nicolas Baygert.
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Dans le jargon de la communication, on l’appelle le « framing » (« cadrage », en français). Pour le spécialiste de la communication politique, l’objectif du PS en étant aussi réactif est limpide : « Il a voulu avoir le dessus dans la bataille de l’interprétation, et imposer sa grille de lecture sur ce fait d’actualité ». Cela, afin d’inscrire dans l’opinion générale l’idée que le PTB est indigne de confiance alors que le parti socialiste avait – lui – « agi en toute bonne foi ». Une grille de lecture qui sera par ailleurs renforcée par les propos d’Olivier Chastel, qui a déclaré ce matin que « Ceux qui parlent avec le PTB ne mesurent pas le danger ».

Le ton et le registre de discours est en lui-même intéressant : « les mots choisis simplifient les enjeux, un gros smiley, un langage snapchat », note également Nicolas Baygert. Pour ce dernier, on peut alors déduire que le message cible un public plus jeune, moins informé. Il y a un certain pathos également, un appel à l’émotionnel de l’internaute : « Vous aussi, partagez votre indignation », peut-on lire sur les publications accompagnant la photo ci-dessus. Ainsi, très rapidement, le PS a dessiné une image négative du PGTB. « L’objectif est atteint is cette connotation négative s’impose », conclut Nicolas Baygert.
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L’année électorale n’est pas finie
Pour le PS, alors que l’année électorale n’est pas finie, l’enjeu est de taille puisque les deux partis à gauche se disputent une partie de leur électorat. Et si elle prend, la stratégie du parti socialiste va rendre la tâche pour le PTB de se défendre ardue. Car, comme dit l’adage, s’il est difficile de se construire une bonne réputation, en détruire une est à côté ridiculement simple. Pour le PS le pari de la rapidité et de la simplicité est donc (probablement) gagnant.
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