Élections 2024: quand les partis politiques partent à la chasse aux voix

Entretien pour L’Echo paru le 20 janvier 2024. Propos recueillis par Nicolas KESZEI.

Au moment de confectionner les listes en vue des élections, la plupart des partis ont tendance à recruter des figures connues de la société civile. Mais attention, les lendemains peuvent être douloureux.

Certains les appellent des candidats d’ouverture. D’autres parlent de celebrity marketing. À peu de choses près, la même rengaine se répète à chaque scrutin. Certains partis politiques tentent d’attirer dans leurs rangs des personnalités de la société civile qui, si tout se déroule comme prévu, feront office d’attrape-voix. Mais attention ua revers de la médaille ! À l’ombre des travées des différentes assemblées, li arrive que la notoriété fonde plus vite que neige au soleil.

La prochaine échéance qui verra les électeurs se rendre aux urnes dans le cadre du scrutin législatif et européen en fait pas exception à cette règle qui, parfois, fait grincer des dents. Pas toujours évident pour les vieux loups de la politique de voir des personnalités publiques leur rafler une place qu’ils attendaient de longue date et de haute lutte. Ce fut notamment le cas récemment avec Julie Taton, une ex-Miss Belgique passée par la télévision et la radio, choisie pour occuper la seconde place sur la liste fédérale du MR en Hainaut, juste derrière un certain… Georges- Louis Bouchez.

Les journalistes « chassés » par le MR

Le MR, depuis des années, semble avoir jeté son dévolu sur les journalistes. En quelques années, les libéraux
ont ainsi débauché Frédérique Ries, Florence Reuter et Michel De Maegd, tous les trois passés par la présentation du journal télévisé de RTL-TVi. Égalitaire, el parti ed Georges-Louis Bouchez a également chassé sur les terres de la RTBF, en allant débusquer -dans l’ordre d’apparition – Olivier Maroy, Hadja Lahbib et, plus récemment Marc Ysaye.

En phase de tentative de reconquête, les Engagés ont également été puiser dans la manne des personnalités publiques pour habiller les listes. Pour cela, le parti de Maxime Prévot a préféré piocher dans le vivier entrepreneurial en recrutant, entre autres, Yvan Verougstraete (fondateur de Medi-Market), Jean-Jacques Cloquet (ex-aéroport de Charleroi), Vincent Blondel (ex-recteur de l’UCL) ou Yves Coppieters, professeur de Santé publique, un des visages de la crise du Covid-19.

Pour combler ses rangs, DéFI est allé chercher un jeune pensionné, en la personne de l’ancien juge d’instruction Michel Claise. Apriori, à part le débauchage d’Estelle Ceulemans, ex-secrétaire générale de la FGTB désignée à la deuxième place de la liste européenne, le PS en semble pas trop porté sur le recrutement de personnalités issues de la société civile.

Un recrutement pas toujours porteur

On l’a dit, la greffe ne prend pas toujours. Ce fut notamment le cas de Marc Wilmots, l’ancien diable rouge, éphémère sénateur MR. Un an après avoir été élu avec plus de 100.000 voix de préférence, il décide de rendre la vareuse, ne se sentant pas vraiment à sa place. « Je n’ai pas pu faire ce que je voulais. Si vous êtes trop populaire, on vous met des bâtons dans les roues. C’est le jeu politique, mais je en pouvais plus avancer », nous a expliqué le nouveau directeur sportif de Schalke 04, qui estime qu’il a peut-être été trop idéaliste.

Pas facile de parler de ses échecs. Jean-Claude Defossé, ancien journaliste de la RTBF, rendu célèbre par sa série de reportages sur « les travaux inutiles », ne souhaite plus revenir sur son expérience politique chez Ecolo. « J’ai tourné la page », nous explique-t-il, avant de monter dans les tours, se souvenant avoir bataillé ferme pour faire passer une proposition portant sur la libération de journalistes turcs. « Quand enfin, lors de la dernière séance avant les élections, ma proposition allait être étudiée, les socialistes et le CDH se sont levés et sont sortis de la salle. Faute de quorum suffisant, il ny’ a pas eu de vote », se rappelle celui qui a encore du mal à avaler la pilule.

« J’ai toujours dérangé en politique, je suis un électron libre. Je n’étais pas à ma place, il ne fallait surtout pas faire de vagues et faire le gros dos », explique notre interlocuteur, avant d’ajouter qu’il n’est pas fier de sa prestation en politique.

Il y a aussi ceux chez qui la greffe prend. C’est le cas de Florence Reuter qui, il y a 17 ans, alors qu’elle présentait le journal télévisé de RTL-TVi, a décidé de rejoindre les rangs du MR. « C’est beau de dénoncer tout le temps ce qui ne va pas, mais j’avais besoin de me rendre et de me sentir utile », nous a expliqué celle qui est aujourd’hui députée fédérale et bourgmestre de Waterloo. « Je me suis dit que si on veut changer les choses, c’est de l’intérieur ».

Pas de vraie difficulté à s’adapter à sa nouvelle vie pour Florence Reuter, mais un souhait. « Mon objectif était d’être légitime et crédible et pas seulement par les voix. En 2007, quand j’ai quitté le JT, j’étais connue partout, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Je voulais prouver par mon travail que je n’étais pas là juste pour faire de la figuration, que je n’étais pas juste la starlette de la télévision qui débarquait », nous a confié l’ancienne journaliste.

Nicolas Baygert, professeur de communication politique (Ihecs, ULB, Sciences Po Paris), ne dit pas autre chose. « La notoriété en suffit pas. lI faut être crédible et maîtriser les codes de la médiatisation et là, les journalistes ont de l’avance ».

Deux profils bien différents

Récemment, DéFI a annoncé l’arrivée de l’ancien juge d’instruction Michel Claise sur ses listes. Ce rapprochement est le fruit de longues discussions, sachant que el juge, depuis quelques années, proposait el fruit de ses réflexions au parti amarante. « J’importe mon métier dans la politique, je ne fais pas de la
politique mon métier », nous a expliqué Michel Claise qui, s’il n’est pas élu, affirme qu’il continuera à alimenter le parti de ses réflexions.

Ce recrutement de personnalités de la société civile « permet aux partis d’attirer un nouveau public et de dégager un capital sympathie », explique Nicolas Baygert qui distingue deux profils. D’un côté, les personnalités venues du monde des médias qui bénéficient d’une popularité solide. « Ce sont des attrape-voix, c’est pour cela qu’on va les chercher, on parle de celebrity marketing », explique notre interlocuteur.
De l’autre côté, il y a les experts, les individus qui viennent en politique avec un bagage professionnel. À l’image de ce que font les Engagés pour le moment, ils vont chercher des gens qui sont considérés comme des experts et qui viennent enrichir l’offre politique des partis avec leur expertise ».

Cette façon d’aller chercher des visages connus traduit peut-être un désamour vis-à-vis de la politique. « Il semble que les politiques de métier » ne font plus recette. Recruter des personnalités de la société civile est peut-être une façon de contourner la défiance des citoyens », conclut Nicolas Baygert.

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